Mettons-nous au régime grec !

Les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent, et ce qui se passe dans le monde est de plus en plus angoissant.

Jusqu'ici les vrais problèmes nous parvenaient en échos étouffés de pays lointains, pas spécialement démocratiques ni développés. Aujourd'hui les choses ont changé : ce que l'on croyait naïvement acquis, et pérenne semble tout à coup remis en cause, même au sein de nos contrées riantes et prospères. Quelle injustice ! Qu'avons-nous fait pour mériter cela ? Depuis quelques mauvais temps, ce n'est pas le vent froid du Nord qui frappe à la porte de l'Europe, mais le vent glacé qui n'a cure des saisons, le nouveau moloch des temps modernes, la crise.

Déjà en éclaireuses malintentionnées, les tempêtes ont, à plusieurs reprises, eu l'outrecuidance d'abandonner les zones tropicales pour venir décimer nos forêts tempérées, inonder nos maisons à crédit modéré, et, dans un mépris profond pour nos valeurs culturelles et cinématographiques, renverser les installations balnéaires destinées aux gens chics et très people juste avant le festival cannois !

Les experts nous expliquent, d'une même assurance incontestable, que tous ces dérèglements climatiques sont normaux. Pour les uns, la cause serait due à notre boulimie destructrice d'énergie carbonée qui réchaufferait l'atmosphère de façon irréversible. Pour les autres, rien à craindre, on peut continuer à brûler, sans modération, tout ce qui peut l'être sur Terre même les milliers de tonnes de pétrole inutile qui fuient de la plateforme du golfe de Mexique. La faute incomberait aux cycles solaires qui, pour tromper leur ennui éternel, se sont amusés dans le passé à exterminer les dinosaures et les mammouths, de belles bêtes pourtant, sûres, comme nous, de leur force et de leur puissance, et qui aujourd'hui faute de mieux, provoquent la fonte des glaciers et accessoirement de nos certitudes et nous font suer !

Alors que l'atmosphère se réchauffe à l'extérieur, à l'intérieur de nous-même on sent une sueur froide nous envahir. La crise est à nouveau là et veut encore une nouvelle rançon ! Il y a moins de deux ans déjà les Etats avaient puisé dans leurs réserves déjà vides et ailleurs les milliards qu'ils n'avaient pas pour faire fuir la "Bête" et nous promettre qu'elle ne reviendrait pas. Le citoyen fait confiance à ses dirigeants qui, eux, comprennent les systèmes compliqués qui régissent l'économie et à qui on a confié soit un mandat électoral aux uns, soit toléré des revenus indécents aux autres. Or, à force de tirer sur les ficelles dans un écheveau inextricable où l'on se fait des nœuds, on perd le bout du fil et certains commencent à vouloir tailler dedans à grands coups de ciseaux. Dedans on y est tous et on ne voudrait pas faire les frais de nouveau piratage, de cette prise en otage de l'Europe et de sa monnaie. Pourtant nous avons tous peu ou prou profité du système, abusé du crédit, des aides de toute nature, des subventions directes ou indirectes, en surconsommant au-delà de nos ressources et sans nous sentir réellement responsables. On supposait bien que tout ne tournait pas parfaitement rond mais on préférait garder l'attitude passive voire complice et lâche du singe chinois, de celui qui a intérêt à "ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire". Tous, Etats, entreprises, particuliers ont puisé dans cette corne d'abondance, le crédit, sans voir que, en tirant dans le même sens, ils entraînaient avec eux le navire sous l'eau.

AGISSONS SANS TARDER

Deux ans plus tard, les analystes économiques et financiers bardés de masters éblouissants et après avoir fait tourner dans tous les sens des modèles mathématiques sophistiqués font une géniale découverte, et révèlent enfin au public effaré le "grand secret" : les Etats n'ont plus les moyens de rembourser. Déjà les Grecs vont être contraints de mettre beaucoup d'eau dans leur Ouzo, et devront abandonner leur fameux régime crétois pour se mettre au régime sec.

Aujourd'hui Moloch est de retour et exige de suite un nouveau tribut sous la menace de faire exploser notre fragile et belle Europe. En un week-end d'armistice, l'alliance des pompiers européens a trouvé la parade en créant de toute pièce mais sans billet, une réserve de centaines de nouveaux milliards virtuels afin de pouvoir éteindre les futurs incendies budgétaires. Le citoyen est à peine étonné par ce tour de magicien, mais est ravi d'être sauvé et assuré de pouvoir continuer à ne rien changer à ses habitudes ni à son train de vie sans plus se soucier de l'héritage monstrueux de dettes qu'il lègue aux générations futures. Certes, quand on aime autant ses enfants on ne compte pas. Le discours politique peut se faire à nouveau rassurant et accuse les spéculateurs. Et pas question de plan de rigueur, encore moins d'austérité. On nous prend pour ce que nous faisons semblant d'être, des naïfs. Pourtant, des efforts il nous faudra en faire, quoiqu'on nous dise, chacun à son petit ou grand niveau. Arrêtons de croire que nous n'y pouvons rien, que nous ne sommes pas responsables. Agissons sans tarder, limitons nos envies, arrêtons de dégrader la planète et ses ressources, soutenons les politiques courageuses préparant un avenir collectif durable et redonnant espoir aux jeunes sans se préoccuper de la carrière et de la réélection de ses leaders.

Pour le moment, tout ne va pas aussi bien qu'on le croit ; faisons, ensemble et solidaires, que demain ne soit pas pire et que les étés futurs soient encore beaux.

Jean-Claude Cazenave