Mieux connaître les autres religions pour dominer nos conflits

Le christianisme a toujours fait partie du tissu même du Moyen-Orient depuis plus de deux mille ans. Loin d’être une importation occidentale comme certains semblent le suggérer, de manière surprenante, il est né ici et a été exporté comme un cadeau pour le reste du monde. Les communautés chrétiennes ont contribué de manière intrinsèque au développement de la culture et de la civilisation arabe.

Fragment du Coran calligraphié en coufique, style développé dans la ville de Koufa en Irak. Donation au Vatican en 1946. Photo Biblioteca Apostolica Vaticana
Fragment du Coran calligraphié en coufique, style développé dans la ville de Koufa en Irak. Donation au Vatican en 1946. Photo Biblioteca Apostolica Vaticana

Eu égard à ce rôle central dans notre région et notre civilisation, il est aberrant, pour nous, musulmans et juifs, de voir le christianisme et les chrétiens subir cette agression sauvage dans notre région. Nous sommes consternés face aux attaques révoltantes contre tout être humain où que ce soit dans le monde. Nous savons aussi qu’une disparition du christianisme de son berceau serait de nature à détruire la riche mosaïque du Moyen-Orient et asséner un coup très dur à notre patrimoine commun. La réalité est que nous sommes tous une seule communauté, unie par des croyances partagées et une histoire commune. Mais cela est de plus en plus remis en cause, par l’Etat islamique - ou Daech comme il est communément connu dans notre région. L’organisation a pris les devants pour justifier et perpétrer ses crimes. Le numéro le plus récent de sa publication Dabiq, intitulé «Briser la Croix», rejette ouvertement l’idée fondamentale selon laquelle nous sommes tous des gens du Livre.

Daech propage une vision apocalyptique qui remonterait à un âge d’or mythique et qui n’est que la création des esprits pervertis des jihadistes d’aujourd’hui. Ils sont dans le même état d’esprit que ceux dont le zèle mal avisé transforma l’Europe chrétienne du Moyen-Age en autel de fanatisme et d’oppression.

Daech veut nous plonger dans un nouvel âge des ténèbres, un âge rendu encore plus obscur grâce aux avancées de la science et de la technologie, mises à leur disposition. Il n’y a pas que les chrétiens, bien sûr, qui sont ciblés et qui ont fait l’objet de leur haine. La recherche de la pureté religieuse est un leurre qu’il faut combattre partout dans le monde. Comme nous l’avons constaté trop souvent, les fondamentalistes affichent une répulsion particulière à l’égard des coreligionnaires dont les vues ne sont pas conformes aux leurs. Daech a prouvé sa disposition à commettre des carnages sans distinction contre des musulmans, des juifs, des chrétiens… quelle que soit leur nationalité, qu’ils soient jordaniens, égyptiens, américains, britanniques ou européens.

Aider à mettre fin à cette grave dérive vers la haine, l’autodestruction et les conflits fratricides, est le principal défi pour nous tous, impliqués dans le dialogue interreligieux. Cela nous oblige à intensifier nos efforts pour que davantage de gens se rendent compte que ce qui unit les trois grandes religions de notre région est beaucoup plus grand que toutes les différences. Nous devons souligner, aussi, que le respect du passé et la connaissance de celui-ci ne doit pas nous condamner à y vivre. Mais cela doit être assorti d’un aveu sincère, que toutes les écritures abrahamiques - la Bible chrétienne, le Tanach juif et le Coran - contiennent des textes créateurs de divisions ainsi qu’un langage hostile à d’autres groupes. Tout au long de l’Histoire, ils ont été utilisés pour justifier les exactions les plus ignobles, au nom de Dieu. Ces textes lourds d’autorité, et qui jouissent d’une grande influence, ne peuvent pas être supprimés ou ignorés. Comment donc pourrions-nous contrer leur message de division qui, dans de mauvaises mains, peut être lu comme une autorisation au sectarisme et à la violence ? Il est essentiel de veiller à ce que ces mots soient lus dans leur contexte. Il est vital, par exemple, de juxtaposer des textes d’un même Livre qui proposent des approches discordantes.

Et une meilleure compréhension des textes sacrés des autres religions pourrait nous aider à identifier les paradoxes et les conflits que nous risquons de ne pas voir nous-mêmes.

Pour l’essentiel, nous devrions souligner l’importance de l’interprétation, centrale et commune à toutes les religions abrahamiques. Elle nous donne la possibilité de travailler sur des textes qui vont à l’encontre de ce que nous concevons comme les valeurs fondamentales de notre tradition.

En tant que musulman, par exemple, je crois en Haq el Hurriya et en Haq el Karama, soit respectivement le droit à la liberté et le droit à la dignité humaine. Alors qu’un juif croira en Pikuach Nefesh : le commandement selon lequel la préservation de la vie humaine l’emporte sur tous les autres commandements.

Il est temps de mettre un terme à la haine et aux atrocités qui sèment le chaos dans toute notre région immédiate et au-delà. La paix et l’humanité mêmes dépendent du succès de cet exercice interreligieux. Telle est son importance.

Le prince Hassan de Jordanie,  fondateur et président de l’Institut royal pour les études interreligieuses; et Ed Kessler, directeur du Woolf Institute

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