Mille milliards

L’Europe a pris la décision tant attendue par les marchés: 750 milliards d’euros de garantie pour ses membres en difficulté ou qui le deviendraient. Tout comme moi, le lecteur ne peut se représenter l’ampleur de cette somme tant elle est importante. En billets de cent francs suisses, cela fait une épaisseur de 1000 kilomètres et un poids physique de 10 000 tonnes! Cette manne permettrait de remettre à chaque Helvète, des bébés aux vieillards, l’incroyable somme de 145 000 francs suisses!

Mais le total de la dette souveraine des Etats de la zone euro fait aussi rêver, ou plutôt cauchemarder: rien moins que 7000 milliards d’euros en 2009 selon Eurostat! On peut deviner qu’une augmentation, même légère, des taux d’intérêt rendrait le service de cette dette insupportable et que les budgets des Etats en seraient d’autant plus déficitaires.

Comment l’UE peut-elle donc servir de garante à l’un ou l’autre de ses membres alors qu’elle est elle-même endettée jusqu’au cou? Quelle est la valeur réelle de sa caution? Combien de temps les marchés seront-ils dupes? Onze ans après sa création qui avait éveillé tant d’espoirs, quelle monstrueuse crise se dessine à l’horizon pour la zone euro, qui lui sera fatale, qui nous sera fatale?

Les critères de Maastricht, ô combien nécessaires, imposaient un déficit public maximum de 3% alors qu’il est aujourd’hui de 6,3% dans la ZE16, soit plus du double. Quant à l’endettement, il devait se limiter à 60% du PIB alors qu’il atteint aujourd’hui 79%. Pour comparaison, il s’élève en Suisse à 40%, contre 115% en Grèce mais aussi en Italie. Quelle inconscience chez les gouvernants, quel laxisme politique a-t-il pu conduire à de tels dépassements? Et à quoi bon édicter des règles si nul ne se préoccupe de les faire appliquer?

En réalité, toute la zone euro est en faillite virtuelle. C’est pourquoi, au lieu de se débrouiller toute seule en créant un Fonds monétaire européen pour rassurer les marchés, l’UE a été contrainte d’aller chercher le FMI. Avec pour conséquence que les Etats-Unis, puissance centrale de cette institution, ont ainsi pu s’immiscer dans les affaires de l’Europe, alors qu’eux-mêmes règnent sur un déficit public de 11% et un taux d’endettement de 84% du PIB, des chiffres pires que ceux de la zone euro. On a ainsi pu entendre Barack Obama inciter l’UE à plus de rigueur budgétaire puis la féliciter des décisions prises le week-end dernier. C’est vraiment l’hôpital qui se moque de la charité!

Enfin, il faut se demander à quoi vont servir ces 750 milliards de caution? Seront-ils débloqués au gré des défauts de paiement des pays les plus mal en point, au risque que les derniers n’aient plus rien? Vont-ils servir d’oreiller de paresse aux gouvernants, dont les velléités de rigueur se heurteront aux manifestations de rue? Compte tenu des échéances électorales qui se préparent, l’austérité sera-t-elle payante dans les discours de campagne? Quelles seront les sanctions ultimes?

Décidément, tous ces milliards qui semblent une bien grande somme ne seront probablement qu’emplâtre sur une jambe de bois!

Marie-Hélène Miauton