Molenbeek : « une trop longue servilité à l’intolérable »

Ce lundi 16 novembre, la première chaîne de notre télévision nationale, annonce la retransmission d’une opération policière de grande envergure dans une agglomération de Bruxelles. On laisse entendre qu’un assaut va être mené contre un immeuble où se serait réfugié un dangereux criminel en cavale. Il pourrait s’agir de Salah Abdeslam, membre d’une fratrie désormais célèbre et maudite pour le rôle qu’elle a joué, trois jours plus tôt, dans les attentats de Paris. Les amateurs de sensations fortes en seront pour leurs frais : on est parti pour visionner quatre heures de non-événement. La police a fait chou blanc. Mais parallèlement, on arrêtera dans l’après-midi deux présumés complices.

Nous sommes à Molenbeek, une petite commune dont, depuis le même temps, les Français ont découvert l’existence. Ils auraient pu se la voir révélée plus tôt. En effet, ce reportage vide d’images est tout un symbole. Comme notre aveuglement, depuis longtemps déjà, sur toute une série d’épisodes passés là sous nos yeux sans qu’on n’y prenne trop garde… Tant il s’est produit d’événements depuis les années 1990, liés à la « guerre sainte » dont l’Occident – en particulier l’Europe et surtout la France – n’ait vu un protagoniste ou l’autre s’installer là-bas, ou au moins, traverser Molenbeek pour y ourdir quelque attentat.

Repli identitaire

Depuis l’assassinat du commandant Massoud (9 septembre 2001) au carnage du Bataclan, en passant par Madrid (11 mars 2004) ou Londres (7 juillet 2005), le Musée juif de Bruxelles (24 avril 2014), Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes (7 janvier 2015) ou, tout récemment encore, tel compartiment d’un certain Thalys (21 août 2015), tout s’est, d’une manière ou d’une autre ourdi dans ce bourg qu’on a pu qualifier de « ghetto de misère ». 94 000 habitants, dont 50 % de musulmans, pour la plupart marocains, avec un taux de chômage frisant les 70 %. Mais que leur importe à vrai dire, leur origine nationale ?

Leur repli identitaire, ceux-ci l’effectuent en ne se revendiquant que de l’islam. Enfin : un certain islam, sunnite, salafiste, wahhabite, donc le plus radical, le plus intégriste. Naguère vivaient ici beaucoup de juifs. Pour nous le rappeler, sans doute, quelques graffitis antisémites tagués, aujourd’hui, sur les murs. La religion n’a rien ici de métaphysique. C’est moins une foi qu’un signe de rejet de l’autre. Le véhicule pour traduire le dessein de prendre un jour sa place en l’anéantissant, lui, l’infidèle qui écoute des concerts de rock, le croisé qui va au foot. Longtemps, des responsables et des édiles communaux, sous prétexte d’assurer la paix sociale et par calcul électoraliste, ont pratiqué la politique de l’autruche et le déni de l’évidence sectaire.

Les forces de police elles-mêmes étant souvent priées de fermer les yeux sur une délinquance qui n’avait pas encore basculé dans le djihadisme. Or c’est déjà un péché mortel que de manifester quelque tolérance et même de servilité pour l’intolérable. Peu à peu, on s’est résigné à cohabiter malgré soi dans ce qui devient un sanctuaire pour le fondamentalisme, un lieu d’accueil pour l’incivilité et, de proche en proche, une plaque tournante pour le terrorisme sous tous ses oripeaux : complots, trafics d’armes et de voitures, caches pour les criminels en fuite. Noire oasis ! Multiplication des lieux de prières où l’on ne célèbre que des mythes guerriers. Et celle plus inquiétante encore, des zones de non-droit.

Bien sûr, il faut se garder des stigmatisations et des amalgames. Mais même le plus convaincu des pacifistes sait que, s’il est contraint à la guerre, il vaut mieux la gagner que la perdre. Aujourd’hui que la France a été récemment, par deux fois, frappée avec une violence inouïe, qui nous laisse dans la sidération, on voudrait, dans mon petit pays, s’extirper du cauchemar qui atteint le plus grand et le plus cher de nos voisins. Sur le plan intérieur, en resserrant les fils trop distendus qui relient les autorités communales et les instances fédérales. Sur le plan extérieur surtout, en assurant entre la France et la Belgique une coopération et des échanges de renseignements dont on découvre, dans le malaise, qu’ils devaient être jusqu’ici bien fantomatiques…

Pierre Mertens est écrivain.

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