Ne pas se tromper de cible au Myanmar

Enfants rohingyas fuyant le Myanmar pour le Bangladesh. Cox’s Bazar, 1er septembre 2017. © Bernat Armangue
Enfants rohingyas fuyant le Myanmar pour le Bangladesh. Cox’s Bazar, 1er septembre 2017. © Bernat Armangue

Une nouvelle tragédie humanitaire, qui possède tous les attributs d’un nettoyage ethnique, se déroule aux frontières du Bangladesh et du Myanmar. Malheureusement, l’expulsion des Rohingyas, minorité musulmane vivant au nord de la province birmane de l’Arakan à majorité bouddhiste, n’est pas un phénomène nouveau. Il se répète depuis des décennies, comme en 1978, en 1992 et en 2102. Cette fois-ci, l’exil et la violence de la répression prennent une ampleur effroyable. Une vigoureuse réponse humanitaire s’impose, accompagnée d’une négociation qui puisse, une fois pour toutes, garantir aux Rohingyas le respect de leurs droits fondamentaux.

Cette double approche humanitaire et politique n’est pas novatrice. La communauté internationale s’y est attelée depuis les années 1980. La dernière initiative en date est toute récente. En septembre 2016, face à une détérioration de la situation en Arakan septentrional, Aung San Suu Kyi avait pris l’initiative de créer une commission présidée par Kofi Annan afin de proposer au gouvernement birman des mesures dans le domaine de la prévention des conflits, de l’assistance humanitaire, de la réconciliation, ainsi que du développement économique et institutionnel. Il est intéressant de noter qu’une motion au parlement birman avait demandé la dissolution de cette commission parce qu’elle incorporait trois étrangers sur un total de neuf membres.

Rapport Annan

Le 25 août 2107, la commission avait présenté un premier rapport suggérant un train de mesures en faveur de la population arakanaise dans son ensemble pour ne pas exacerber les tensions entre communautés musulmanes et bouddhistes.

Le jour qui suivit la présentation du rapport Annan, des affrontements armés ont provoqué la mort de douze membres des forces de sécurité birmane et cinquante-neuf rebelles rohingyas. Faut-il y voir une regrettable coïncidence ou une tentative de sabotage des efforts de réconciliation entre bouddhistes et musulmans? Quelle que soit l’hypothèse, on connaît la suite…

Dans ces circonstances troubles, les attaques virulentes contre Aung San Suu Kyi, brûlant une idole autrefois adorée, me semblent viser la mauvaise cible. Certes, son silence sème le trouble. L’indignation internationale face au drame que vivent les Rohingyas est parfaitement légitime.

D’aucuns voudraient voir Aung San Suu Kyi se confronter publiquement à l’armée quitte à la voir ensuite bannie de toute activité politique. «Qu’elle parle et qu’elle parte», a-t-on entendu. Mais cela résoudra-t-il la question de fond? Ne risque-t-on pas dès lors d’affaiblir le seul espoir d’un changement politique durable au Myanmar en poussant Aung San Suu Kyi à une confrontation publique avec l’armée. Quelle est sa véritable marge de manœuvre? Avant de condamner violemment son silence, ne faudrait-il pas d’abord en saisir les raisons? Comment la communauté internationale peut-elle contribuer à résoudre ce drame aux origines complexes sans affaiblir les acteurs essentiels à la construction d’un pays plus démocratique? Autant de questions qui méritent une réflexion approfondie.

Isolement des Rohingyas au Myanmar

A l’évidence, la cause des exodes successifs de 1978, 1992, 2012 n’a pas encore été résolue. Il serait simpliste de croire qu’elle résidait uniquement dans le caractère dictatorial du régime birman de l’époque. L’Arakan septentrional est un point de contact entre des ethnies, des religions et des cultures différentes. La cause rohingya ne bénéficie d’aucune sympathie au sein de l’opinion publique birmane toutes tendances confondues.

La clé d’une solution réside dans un dialogue constructif entre le Myanmar et le Bangladesh ainsi que dans la réduction de l’apatridie pour les Rohingyas. C’est un travail de longue haleine. En attendant, il faut assister et protéger toutes celles et ceux qui n’ont pas eu d’autre choix que celui de prendre la route de l’exil.

Une bonne réponse humanitaire contribue toujours à une solution politique.

Jean-Noël Wetterwald, ancien délégué régional du HCR en Asie du Sud-est et au Bangladesh.

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