Non aux quotas gratuits de CO2 pour les industriels

Oubliée la COP21, oubliés les applaudissements des 751 députés européens et des vingt-huit chefs d’Etat de l’Union européenne (UE) saluant l’accord de Paris de décembre 2015, oubliée la préservation de la planète et le réchauffement climatique : les lobbyistes de tout poil sont passés par là et obligent la classe politique à regarder ailleurs.

Après le « I want my money back » de Margaret Thatcher nous voilà soumis au chantage des fédérations industrielles : « We want our free allowances back » (« Nous voulons garder nos allocations gratuites »). Et ça marche !

Depuis 2005, l’UE a mis en place un système d’allocations gratuites de CO2 pour les industries énergivores, afin de leur permettre de financer la modernisation de leurs installations et les investissements dans les nouvelles techniques d’efficience énergétique.

Entre 2008 et 2015, les montants de ces quotas gratuits, qui se chiffrent à des milliers de millions de tonnes de CO2, ont représenté des milliards d’euros : plus de 8 pour le secteur de la sidérurgie, plus de 5 pour celui du ciment, plus de 4 pour la chimie. Largement de quoi supporter la crise économique et les investissements nécessaires. Pourtant, les émissions de CO2 n’ont pas baissé (ou si peu, essentiellement en raison de la crise) et le prix du CO2 est resté évidemment bas, entre 4 et 6 euros par tonne.

Dérives

Alors pourquoi de telles sommes ? Simplement parce que l’UE a été très généreuse envers toutes ces industries : les allocations étaient supérieures aux besoins, et les industriels n’avaient donc aucun intérêt à investir puisqu’ils avaient des quotas à foison et à bon prix.

Les allocations gratuites étaient en effet calquées sur les capacités de production, et non sur les productions réelles. Toutes les dérives étaient dès lors possibles. Certaines entreprises ont plus gagné avec la vente de leurs quotas qu’avec leur production et préféraient arrêter les installations tout en touchant des dividendes de la vente duCO2.

Une majorité d’entre elles ont préféré monétiser les quotas gratuits ; ainsi, l’argent gagné est allé directement dans la poche des actionnaires. Par exemple, les cimentiers espagnols et grecs ont maintenu une production artificiellement élevée afin de recevoir un maximum de quotas gratuits, l’affaire étant juteuse.

Bref, les quotas gratuits sont devenus pour ces industriels un « business », et il n’y aucune raison que cela s’arrête ! Ils se moquent royalement de la santé publique ou de l’avenir de la planète, et veulent ce qu’ils appellent « leur dû ». Sinon attention à la menace de délocalisations et de fermetures d’usines…

La cabale des lobbyistes

Il fallait mettre un terme à cette dérive qui, non seulement coûtait chère mais de plus, n’était pas efficace. Les investissements industriels sont à la traîne et, forcément, notre compétitivité n’est pas des meilleures.

Quelques parlementaires européens ont proposé un texte plus en phase avec les objectifs de l’accord de Paris, fixant un prix pour l’achat des allocations de CO2. J’ai aussi défendu la mise en place d’un ajustement carbone aux frontières de l’Europe, afin de protéger nos entreprises de la concurrence déloyale extra-européenne : l’idée était d’obliger les importateurs à acheter sur le marché carbone européen des droits à polluer, tout comme les industriels européens, dans le souci d’un traitement équitable.

Pourtant, rien de tout cela n’a été retenu par la majorité des parlementaires. Les lobbyistes ont organisé une véritable cabale contre ce projet et ils ont gagné. Hélas, les quotas gratuits sont maintenus, et le pollueur payeur restera transformé en pollueur payé ! Les menaces de fermetures d’usines ont eu raison du climat.

Espérons que, le 28 février, les ministres européens ne présenteront pas cette facture salée aux citoyens et que l’esprit de Paris reprendra le dessus. Nous n’avons qu’une seule planète.

Edouard Martin est député européen (Alliance progressiste des socialistes et démocrates), ancien délégué du personnel CFDT (1989-1993) puis membre du comité d’entreprise européen d’ArcelorMittal (2006-2013).

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