Non, la transition énergétique allemande n’est pas catastrophique

Certes, comme l’a écrit Johann Chapoutot dans Libération le 21 septembre, tout n’est pas rose dans la transition énergétique allemande : il y a encore beaucoup de centrales au charbon qui fonctionnent et polluent. Il y a même de nouvelles centrales qui ouvrent leurs portes. Mais l’Allemagne décrite dans l’article avec ses «mines à ciel ouvert, paysages dévastés et pollutions diverses» n’est qu’une image déformée de la transition énergétique. L’article ne mentionne pas, par exemple, les créations d’emplois et la mobilisation citoyenne qui accompagnent les énergies renouvelables.

Certes, le charbon et surtout le lignite sont les bêtes noires de la transition énergétique allemande. La part des énergies fossiles dans le mix électrique allemand représente plus de la moitié de la production électrique. Un pourcentage non négligeable bien que moins élevé que la part du nucléaire dans le mix électrique français.

Depuis 1990, 20 000 personnes ont dû quitter leurs maisons et villages à cause des projets d’exploitation de lignite à ciel ouvert, ce qui représente un coût social terrible. Nous soutenons également la critique du gouvernement allemand, qui n’a pas su tenir front au lobby du charbon, pour fermer rapidement et définitivement des centrales les plus polluantes (et ce, sans compensation financière) afin de respecter l’objectif climatique pour 2020. Enfin, il faut souligner la faiblesse du gouvernement allemand face aux énergéticiens qui défendent la place du lignite dans le mix électrique allemand jusqu’en 2050…

Affronter une énergie du passé

Mais face à un constat catastrophiste du charbon qui détruit et pollue, on en oublie la question centrale : pourquoi l’Allemagne ne se libère pas de cette plaie écologique et sociale ? En Allemagne, il y a 200 000 emplois directement liés aux activités du lignite et du charbon. De même qu’en France, 125 000 emplois sont liés à la production d’électricité nucléaire. Et dans les deux cas, les centrales se trouvent plutôt dans des territoires économiquement fragiles. En France comme en Allemagne, si on veut réussir la transition écologique, le grand challenge est d’affronter une énergie du passé.

Pour réussir ce défi, il faut être capable de présenter un futur désirable aux salariés, aux entreprises et aux territoires dont l’activité dépend de technologies qui seront amenées à disparaître progressivement. Ne vaut-il pas mieux travailler ensemble pour trouver des solutions, que se perdre dans des a priori et reproches concernant nos choix énergétiques respectifs ?

L’énergie «citoyenne»

Si l’Allemagne a privilégié la sortie de l’atome, elle n’a pas été «subitement décidée» en 2011 par Angela Merkel, comme indiqué dans la chronique. Cette sortie du nucléaire a été négociée de longue haleine. L’accident de Fukushima a seulement accéléré la décision. Mais cette dernière n’a pas été prise au détriment du climat. Les analyses montrent même que si des efforts supplémentaires considérables sont nécessaires, les émissions de gaz à effet de serre de l’Allemagne continuent de diminuer ; y compris celles du charbon et du lignite. Depuis 2011, la part des énergies renouvelables électriques est passée de 20 à 33% dans le mix électrique allemand. Le Plan de protection du climat pour 2050 du gouvernement allemand, actuellement en consultation, propose même une production électrique 100% renouvelable en 2050.

Contrairement à la situation en France, les énergies renouvelables en Allemagne sont déjà considérées comme des sources d’énergies fiables et rentables. Il s’agit en grande partie «d’énergie citoyennes», car en Allemagne 50% des capacités renouvelables électriques installées entre 2000 et 2012 appartiennent à des personnes privées et des agriculteurs. Et au total, 400 000 emplois ont été créés dans les énergies renouvelables contre 80 000 en France.

Réduire la transition énergétique en Allemagne à «des mines à ciel ouvert» et à de vieilles centrales au charbon revient à mentionner uniquement les coûts faramineux qui nous attendent en France pour la mise en conformité aux normes de sécurité des centrales nucléaires et le projet de stockage de déchets, à Bure (Meuse). Mais la transition française, c’est surtout le développement des territoires à énergie positive qui s’engagent en faveur d’un développement fort des énergies renouvelables, des rénovations énergétiques concrètes et des villes où l’air est plus respirable.

Meike Fink, Réseau Action Climat, chargée de mission «transition écologique juste»

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