N’oublions pas le choléra en Haïti

Depuis quelques mois, le virus Ebola a retenu l’attention des médias du monde entier. Il est tout à fait compréhensible qu’un nombre important d’articles de presse et de reportages qualifient l’épidémie en Afrique de l’Ouest de l’une des urgences les plus graves des temps modernes.

Mais nous ne devons pas oublier qu’une autre épidémie se poursuit de l’autre côté de l’Atlantique. Le choléra continue de créer une situation de crise en Haïti et la récente attention portée à l’épidémie d’Ebola devrait nous rappeler qu’il ne faut pas baisser la garde. Contrairement à Ebola, le choléra n’est pas un tueur systématique et peut être traité efficacement grâce à l’accès aux soins, mais il se déplace rapidement, transmis par les aliments ou l’eau contaminés. Dans un environnement ne disposant pas d’un minimum de systèmes de santé, d’hygiène, d’eau et d’assainissement, il provoque des épidémies mortelles, comme celle à laquelle Haïti est aujourd’hui confronté.

Ebola et le choléra ont toutefois en commun qu’ils se nourrissent de systèmes de santé publique faibles, et nécessitent une réponse soutenue pour les combattre. De plus, comme nous le rappelle Ebola, ces épidémies ne respectent pas les frontières dans le monde globalisé d’aujourd’hui.

Haïti continue d’avoir le nombre le plus élevé de cas de choléra des Amériques. Fin septembre 2014, plus de 707 000 cas suspects de choléra et 8600 décès liés au choléra ont été enregistrés depuis le début de l’épidémie en octobre 2010. Avec les pluies abondantes et tardives du mois d’octobre, le nombre de cas a triplé par rapport aux mois précédents, et la situation pourrait encore s’aggraver. Depuis très longtemps, bien avant le tremblement de terre et le choléra, Haïti est très vulnérable aux catastrophes naturelles. Chaque situation d’urgence y est une opportunité pour les épidémies.

Nous œuvrons à des solutions à long terme. L’ONU soutient les ­efforts du gouvernement pour améliorer l’accès aux services d’eau potable, d’assainissement et de santé, et le secrétaire général de l’ONU et le premier ministre haïtien ont lancé, en juillet dernier, une campagne nationale d’assainissement et annoncé, en octobre, avec la Banque mondiale, un plan sur trois ans. Mais l’ONU reconnaît aussi que le renforcement des systèmes et des capacités prendra du temps. Les activités d’intervention rapide, de prévention et de traitement doivent se poursuivre pendant que les infrastructures pour l’eau et l’assainissement sont en chantier et que la prestation de services est en voie d’amélioration.

Le vaccin oral contre le choléra offre une mesure préventive essentielle en complément des opérations de réponse rapide et du renforcement des systèmes. Cette intervention sûre, abordable et efficace protège les individus vaccinés et réduit la transmission et par conséquent le fardeau de la maladie dans une communauté. Le gouvernement haïtien s’est engagé à vacciner 600 000 personnes contre le choléra en 2015. Alors qu’il vient de mener une campagne de vaccination en septembre, le gouvernement doit encore vacciner 313 000 personnes supplémentaires en 2015. Le coût s’élève à seulement 3 millions de dollars, mais il n’y a aucun financement disponible à l’heure actuelle.

Quatre ans après le début de l’épidémie, on ne peut que constater le prix d’un soutien éphémère. En raison d’un manque de financement, certains partenaires ont quitté le terrain et de nombreux centres de traitement du choléra ont dû fermer, entraînant un accès plus difficile au traitement, une diminution de la surveillance en temps utile et un retard dans la riposte. Le manque de personnel médical dans les centres de traitement entrave également une réponse rapide. Il faut être en mesure de répondre à chaque alerte et fournir un traitement pour réduire la transmission et prévenir l’infection et de nouveaux décès.

A défaut, il y aura un plus grand nombre de cas et de décès liés au choléra.

Le premier ministre haïtien, Laurent Lamothe, a déclaré que le choléra continue de créer une situation d’urgence qui exige toutes les stratégies possibles pour l’éliminer. A plus long terme, il faut une fois pour toutes investir dans les systèmes de santé publique du pays, en particulier en ce qui concerne l’eau et l’assainissement, et l’ONU soutient le gouvernement d’Haïti dans ses efforts. Mais cela prendra des années, et la réponse humanitaire reste nécessaire pour répondre aux épidémies et les contrôler aujourd’hui.

Le choléra et Ebola ont tous deux une portée limitée lorsqu’ils sont confrontés à une forte infrastructure de santé publique. N’en disposant pas, Haïti et les pays touchés par le virus Ebola doivent répondre aux épidémies tout en gardant un œil sur l’avenir.

Ebola nous rappelle que le travail en Haïti n’est pas encore terminé.

Pedro Medrano Rojas, Secretario General Adjunto y Coordinador Principal de Naciones Unidas para la Respuesta al Cólera en Haití.

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