Nous, Catalans, voulons voter et devenir Européens à part entière

C’est un principe fondamental de la démocratie européenne que celui de résoudre les questions d’intérêt public, ou même celles relatives au futur de l’Etat, en ­prenant en compte le désir des citoyens. Le peuple de Catalogne – une des plus anciennes nations d’Europe – veut avoir l’opportunité de décider par lui-même de devenir ou pas un nouvel Etat au sein de l’Europe.

La majorité des citoyens catalans ont clairement affirmé, à ­travers des élections et des manifestations, le désir de voter pour leur avenir. Un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants sont descendus dans la rue en septembre dernier pour se donner la main, symbolisant ainsi leur solidarité et leur liberté, à la manière des habitants des pays Baltes en 1989. Aucune personne qui se considère démocrate ne peut ignorer ou nier la force de ce désir populaire.

Le gouvernement catalan et la plupart des partis d’opposition, mandatés par leurs électeurs, ont décidé de fixer la date de la consultation citoyenne pour l’autodétermination le 9 novembre prochain. Les Catalans vont répondre à une double question: «Voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat?» et, dans le cas de l’affirmative, «Voulez-vous que celui-ci soit indépendant?». Personne ne doit avoir peur de ces simples questions, excepté ceux qui veulent ou désirent ignorer les souhaits de tout un peuple.

Les relations entre la Catalogne et l’Espagne ne sont pas comme il faudrait qu’elles soient. Nos droits politiques au sein de l’Etat espagnol, inscrits dans notre Statut d’autonomie, accordés par le parlement espagnol puis ratifiés par référendum en 2006, ont été révoqués de manière unilatérale par une décision de justice d’un tribunal espagnol en juillet 2010.

Mon gouvernement, avec le soutien de 65% du parlement catalan, a prévu la tenue d’un référendum ouvert, transparent et pacifique. Nous regrettons que la réponse du gouvernement espagnol ait été hostile depuis le début, mais nous devons être fidèles aux valeurs universelles qui nous lient à l’Europe, celles qui sont décrites dans le préambule du traité de l’Union européenne: «les droits inviolables et inalié­nables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l’égalité et l’Etat de droit». Le peuple catalan désire que son vote ne soit pas rejeté, même s’il est ignoré. N’importe quel effort pour faire taire ou pour nier le désir du peuple catalan est voué à l’échec.

Nous allons faire tout ce qui est nécessaire afin de promouvoir des discussions de «bon sens» avec les Etats membres de l’UE ainsi qu’avec les institutions européennes, pour être finalement certains que le choix du peuple catalan sera mis en œuvre. L’incertitude est toujours perturbatrice et ne sert finalement aux intérêts de personne. Nous sommes convaincus que des solutions pragmatiques et créatives peuvent être trouvées, surtout si l’expression du désir des citoyens est considérée comme un principe fondamental.

La Catalogne fait partie de l’Europe, et les Catalans sont Européens. Cela fait plus de douze siècles que Charlemagne nous a établis comme la Marche méridionale de son empire. Nous voulons jouer pleinement notre rôle au sein d’une Union européenne pacifique et prospère, que nous avons rejoint il y a trente ans. Nous nous engageons à maintenir et à appliquer les lois et les règlements communs de l’UE. Nous allons protéger et renforcer la diversité entre notre peuple et l’Europe dans son ensemble. Nous redoublerons d’efforts pour défendre l’approche commune européenne à la solution de nos problèmes, tels l’euro et la santé économique de l’Europe. Finalement, nous serons toujours d’excellents voisins même au-delà de nos frontières, sans oublier nos amis espagnols, et nous serons toujours prêts à aider ceux qui sont dans le besoin.

Le référendum qui décidera du futur de la Catalogne le 9 novembre prochain, jour où l’on célébrera aussi l’anniversaire de la chute du mur de Berlin, présentera d’importants nouveaux défis pour la Catalogne, pour l’Espagne et pour l’Union européenne; mais il ne peut pas être jeté aux oubliettes.

Avec un regard politique pragmatique et posé, le référendum et les conséquences dérivées de celui-ci sont une nouvelle opportunité pour l’Europe de montrer une fois de plus au reste du monde les capacités et les qualités qu’elle possède pour surmonter les défis auxquels elle est confrontée, de manière pacifique, démocratique et dans l’esprit de liberté qui règne au sein de notre union continentale.

Artur Mas, président de la Catalogne.

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Le responde Miguel Angel de Frutos Gomez, ambassadeur d’Espagne en Suisse: La Catalogne en Espagne, ou l’art du vivre-ensemble en démocratie.

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