Nous devons apprendre à vivre avec la menace de risque épidémique international

Une fois encore, un nouveau virus vient d’émerger, responsable d’un phénomène épidémique apparu courant décembre 2019 en Chine et qui depuis s’étend géographiquement et numériquement. Son apparition provoque inquiétude et interrogations. Ces questionnements parfaitement légitimes peuvent soulever quelques réflexions. De tout temps, l’homme a vécu dans un monde où les événements infectieux épidémiques se succèdent de façon quasi permanente. Chaque nouvelle épidémie suscite à la fois un intérêt majeur et beaucoup de fantasmes dictés par la peur de mourir. Ces agresseurs microbiens invisibles fascinent. Ils sont d’autant plus source d’anxiété qu’on ne les connaît pas ou mal, qu’on ignore tant leur potentiel de nuisance que la durée de leur action.

Echanges avec le monde animal

Il est clair que l’épidémie que nous vivons aujourd’hui sera suivie par d’autres. Les virus sont extrêmement nombreux, la plupart sont inconnus à ce jour et nombreux sont les animaux porteurs constituant des réservoirs que nous sommes amenés d’une façon ou d’une autre à côtoyer. De multiples activités humaines contribuent à favoriser ces échanges avec le monde animal : exploitation forestière, chasse, commerce… Les concentrations de population, les mégapoles, et bien sûr la facilité des déplacements et des échanges favorisent le développement et l’extension rapide d’une épidémie qui, très vite, peut devenir pandémique. Fort heureusement, les moyens scientifiques modernes permettent aussi de détecter l’agent responsable, d’établir son génome et son mode de réplication dans des délais brefs, donnant ainsi les moyens de le combattre, notamment en mettant très rapidement à disposition les tests nécessaires à un diagnostic rapide.

Doit-on avoir peur ? Que doit-on exactement redouter ? A ces questions posées de manière répétée, les réponses sont souvent imprécises, incomplètes ou insatisfaisantes. Mais en début d’épidémie, trop d’inconnues existent pour que l’on puisse correctement répondre. Et même avec le temps, certaines demeurent. Un nouveau virus appelle des interrogations sur ses caractéristiques, sa provenance, la connaissance de son réservoir, sa virulence, ses modalités de transmission, sa capacité de diffusion… Est-il stable ou risque-t-il de muter ? Quelles manifestations provoque-t-il ? Sont-elles graves, et pour qui ? Quelle est sa durée d’incubation ? Se transmet-il avant l’apparition des premiers symptômes ? Existe-t-il des formes asymptomatiques mais susceptibles de favoriser sa diffusion dans la population ?

Quant à prédire précisément combien de temps l’épidémie durera, quelles seront la mortalité et les conséquences, tout cela est difficile à évaluer en instantané. Cette prédictibilité doit tenir compte de facteurs évolutifs. Parmi ceux-ci interviennent les caractéristiques du lieu d’apparition qui orientent vers la connaissance du réservoir animal, des populations atteintes, des pays concernés, de leur capacité à réagir, de leur système de santé, des mesures de protection prises, de leur application, des conditions météorologiques et de leurs variations… L’existence ou non de traitements spécifiques efficaces et la possibilité d’un vaccin sont également déterminantes. Entre une épidémie faible, bénigne et courte, et une autre intense, sévère et prolongée, toutes les hypothèses sont ouvertes.

L’apparition d’un virus inconnu dans une zone très peuplée, grand carrefour de communication, au moment où les populations se déplacent pour cause de fêtes se traduit à l’évidence par autant de facteurs compliquant la maîtrise d’une épidémie. Divers scénarios sont donc toujours envisageables en fonction de la rapidité de réaction et de la qualité des mesures mises en place. Il faut demeurer sage et raisonnable pour rester efficace, s’adapter en fonction de l’évolution, informer en toute transparence, rassurer plutôt qu’alarmer. Un pays peut-il repérer les cas arrivant sur son territoire, peut-il maîtriser le risque de cas secondaires, réduire les contacts, a-t-il les moyens matériels et la volonté politique de lutter efficacement ? Autant d’éléments qui collaboreront à l’évolution de l’infection.

Pour une épidémie à virus respiratoire telle que nous la connaissons avec le coronavirus, son émergence est obligatoirement suivie d’une phase ascendante d’intensité et de durée variable, durant laquelle il est normal de voir de plus en plus de cas, d’observer chaque jour davantage de formes graves voire mortelles, en attendant un état d’équilibre, puis une dernière phase, descendante.

Mortalité chez les sujets âgés

Ceci pourrait signifier qu’en cas de poursuite de l’extension à partir du foyer initial en Chine, nous assisterions très vraisemblablement à une épidémie comparable à ce que provoquent déjà beaucoup d’infections respiratoires dues à divers virus. Compte tenu de ce que l’on sait de ce coronavirus, et sous réserve de mutations, le nombre de cas pourrait certes être élevé mais cette épidémie serait globalement bénigne. Les formes mortelles s’observent principalement chez des sujets âgés, fragilisés, les cas simples apparaissant comme de très loin les plus nombreux.

Il importe de donc relativiser les choses. La grippe sévit en France actuellement, et elle a déjà fait des morts en nombre, ce qui passe inaperçu ou presque. Soulignons aussi que nous devons apprendre à vivre avec cette menace de risque épidémique international. On mesure les progrès réalisés ces dernières décennies dans la maîtrise de la protection et de la prise en charge des populations exposées en France, mais également dans des pays initialement moins organisés. A ce sujet, rappelons la valeur du système de prise en charge original en France par l’appel systématique au 15 dès la moindre suspicion. Même si elle n’est pas absolue, cette centralisation permet de contrôler au mieux une épidémie. Chacun doit bien sûr être conscient de la nécessité civique de se signaler en suivant scrupuleusement les règles diffusées par nos autorités de santé, en n’ayant recours au 15 que pour des appels justifiés.

François Bricaire est infectiologue, professeur émérite à Sorbonne-Université, membre de l’Académie nationale de médecine.

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