La renaissance du Mali passera par le patrimoine culturel. La reprise des villes de Gao et de Tombouctou marque une étape vers la reconstruction de ce pays. Mais les violences de ces derniers jours rappellent combien le chemin sera long. La situation humanitaire reste critique, la population est en deuil et divisée, marquée par les privations de la guerre et plusieurs mois d’un régime de terreur. Comment reconstruire et par où commencer ?
La renaissance du Mali passera notamment par la culture. L’Unesco réhabilitera les mosquées et les mausolées détruits. La France, qui apporte son aide à la protection du territoire du Mali, appuiera la reconstruction de ce patrimoine - qui demande la mobilisation de l’Afrique et de toute la communauté internationale.
La culture n’est pas un luxe. Elle est la clé de l’identité et de l’unité de la société malienne. Le patrimoine incarne la fusion des différents éléments de la diversité culturelle du Mali. C’est une force de cohésion indispensable à la réconciliation. Les trois mosquées et seize mausolées de Tombouctou, comme le tombeau des Askia à Gao, inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, sont porteurs de l’histoire d’un peuple, et c’est pour cette raison que les troupes d’Ansar ed-Dine, sitôt ces villes prises, ont décidé de les saccager. Ils l’ont fait délibérément pour assujettir la population et diviser la société.
Réhabiliter ces sites n’est pas qu’une réparation matérielle : c’est montrer que le terrorisme n’est pas une fatalité. C’est rendre une dignité à tous ceux meurtris dans leur chair et dans leurs croyances. C’est permettre au nord du Mali de redevenir ce lieu d’échanges et de rayonnement qu’il a été pendant des siècles. C’est par le patrimoine que le peuple trouvera la confiance de reconstruire l’unité nationale et de regarder vers l’avenir.
L’Unesco et la France se mobiliseront aussi pour aider à protéger les centaines de milliers de manuscrits anciens de Tombouctou. La période de tumulte qui s’ouvre est propice aux règlements de comptes, elle augmente aussi les risques de pillages et de trafic illicite des biens culturels. C’est pourquoi l’Unesco a appelé les pays voisins à la vigilance. Le sort des manuscrits est le plus à craindre : Tombouctou en abrite plus de 300 000, rédigés entre les XIIe et XVIe siècles, conservés dans des collections privées et publiques, cachés dans des caves et des greniers. Ils sont l’héritage du temps où la ville était le centre culturel de l’islam en Afrique. La protection de ces documents est une tâche infiniment complexe. A ce jour 10 000 manuscrits ont été numérisés, 40 000 sont conservés au centre de recherche Ahmed-Baba créé en 1974 avec le soutien de l’Unesco et partiellement incendié par les troupes d’Ansar ed-Dine. De nombreux pays se mobilisent déjà pour apporter leur appui et le centre peut compter sur l’aide de la Bibliothèque nationale de France (BNF) pour participer, dans l’urgence du moment, à la conservation et à la restauration des manuscrits. La BNF pourra également devenir partenaire du programme de numérisation.
L’Unesco a déjà fourni aux autorités et aux forces armées les données nécessaires à la localisation et à la protection des sites - plus de 8 000 «passeports pour le patrimoine» reprenant ces informations ont été distribués aux soldats et aux humanitaires. Elle enverra une mission sur place, dès que la situation le permettra, pour déterminer les besoins les plus urgents et orienter l’effort de réhabilitation, en collaboration avec le gouvernement du Mali.
Il ne s’agit pas de protéger le patrimoine comme supplément d’âme à la vie des peuples : la culture est garante des valeurs qui fondent la société. Si le Conseil de sécurité des Nations unies a tant mis l’accent sur le patrimoine culturel au Mali, c’est qu’en Libye, en Irak, en Afghanistan, le patrimoine a prouvé sa capacité - fragile mais nécessaire - à renouer le dialogue entre communautés, à faire avancer la paix.
La protection de ce patrimoine est vitale pour le Mali, pour la région et pour notre regard sur l’Afrique. Les manuscrits de Tombouctou réfutent les préjugés faisant de ce continent une terre de traditions exclusivement orales. Ils montrent la richesse des sources écrites en provenance de tout le monde musulman, en mathématiques, en droit, en littérature… et révèlent la profondeur historique du continent. C’est un immense potentiel de dialogue et de diplomatie culturelle.
Ce patrimoine est surtout le témoignage d’une tradition de tolérance et de partage des savoirs. Les extrémistes ont voulu l’effacer : nous devons la soutenir. L’écrivain malien Ahmed Baba disait : «Le sel vient du Nord, l’or vient du Sud, l’argent vient du pays des Blancs, mais la parole de Dieu, les choses savantes et les contes jolis, on ne les trouve qu’à Tombouctou.» Aujourd’hui même, l’Unesco et la France organisent à Paris une journée de solidarité avec le Mali, et les dirigeants politiques, artistes et experts présents viendront dire leur attachement au Mali et à sa culture, qui doit continuer à rayonner malgré la guerre. Nous y donnerons le coup d’envoi du plan de réhabilitation.
Comme l’Unesco a sauvé les temples d’Egypte menacés par le barrage d’Assouan et reconstruit le pont de Mostar détruit par la guerre en Bosnie-Herzégovine, l’Unesco reconstruira les mausolées de Tombouctou. Il faudra du temps et ce doit être le symbole de notre détermination à protéger la culture comme ligne de défense contre la barbarie.
Par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication. Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco. Bruno Maïga, ministre de la Culture du Mali