Où sont les voix occidentales de soutien aux chrétiens d’Orient ?

Syrie, le couvent Saint-Georges, non loin du Krak des Chevaliers. Daniel Riffet / Photononstop
Syrie, le couvent Saint-Georges, non loin du Krak des Chevaliers. Daniel Riffet / Photononstop

Lorsque le président Trump a annoncé sa décision d’octroyer aide et soutien aux minorités religieuses et ethniques en Syrie et en Irak, en particulier à celles les plus durement frappées par l’organisation terroriste Etat islamique, nous avions accueilli avec optimisme cette déclaration venue des Etats-Unis. En tant que chrétiens syriaques de Syrie, nous nous sentions particulièrement concernés par cette prise de position américaine. En effet, les régions à l’est de l’Euphrate où nous vivons ont été particulièrement affectées par la guerre et les souffrances qu’elle engendre, causées par Daech et d’autres organisations terroristes.

Cette décision était une preuve et une indication explicite de la part du président Trump que la zone autoadministrée du nord et de l’est de la Syrie était sûre, stable et qu’elle le resterait, avec notamment la présence des forces militaires de la coalition, menées par les Etats-Unis. Quelques jours après cette déclaration, le président Trump a décidé de retirer les troupes américaines présentes en Syrie.

Cette décision coïncide avec les menaces du président turc de mener une nouvelle opération militaire dans les régions du nord et de l’est de la Syrie en s’appuyant sur une myriade de factions extrémistes, comme ce fut le cas lors de l’invasion d’Afrin au début de l’année 2018. Pour nous, les pratiques perpétrées par les groupes extrémistes, sur lesquels se repose la Turquie pour conduire ses campagnes militaires et expansionnistes en Syrie, ne diffèrent guère de celles commises par des organisations telles que Daech ou le Front Al-Nosra.

Chrétien syriaque sous le choc

Depuis l’annonce du retrait américain et la volonté affichée par M. Erdogan de porter la guerre entre l’Euphrate et le Tigre, notre peuple chrétien syriaque vit sous le choc, la confusion et la crainte de l’occupation turque de ces régions. Nous, le peuple chrétien, serions les plus touchés. Une telle occupation reviendrait à planter le dernier clou dans le cercueil de notre existence même dans cette région. Notre peuple a déjà émigré massivement, et toute autre guerre dans la région réduirait à néant notre présence ancestrale sur ces terres.

M. Erdogan n’a pas seulement pour objectif de frapper les Kurdes en Syrie. Il compte aller bien au-delà, en exterminant l’ensemble des minorités présentes dans le nord et l’est de la Syrie, comme l’ont fait ses ancêtres ottomans il y a plus d’un siècle à l’égard des Assyriens, des Arméniens et des Yézidis.

Outre le changement démographique et le nettoyage ethnique, M. Erdogan poursuit un autre but : mettre fin au projet d’autoadministration démocratique à l’œuvre dans le nord et l’est de la Syrie. Cette expérience politique inédite inclut toutes composantes nationales et religieuses présentes dans les régions que l’administration autonome a sous sa responsabilité.

Avenir sombre et incertain

C’est grâce à ce projet que nous avons réussi à maintenir la paix et la stabilité. L’abandon américain et les menaces turques explicites, est-ce là la récompense donnée à celles et ceux qui pratiquent la démocratie, appliquent les principes des droits de l’homme, garantissent les libertés religieuses individuelles et collectives, défendent l’égalité entre les femmes et les hommes, dans une zone dominée par la guerre civile et les idées extrémistes ?

En même temps que le Père Noël, Donald Trump, faisait un cadeau inestimable à Recep Tayyip Erdogan, il offrait aux chrétiens du nord et de l’est de la Syrie un avenir sombre et incertain. Depuis le début du conflit syrien, nous avons misé sur nos propres forces et sur notre capacité de résistance. En tant que Conseil militaire syriaque, nous avons combattu aux côtés des Unités de protection du peuple (YPG/YPJ) et nous sommes parvenus à défendre ensemble notre région contre le terrorisme.

Aujourd’hui, nous nous retrouvons seuls face à un grand nombre de risques et de défis. Que ce soit le renouveau de Daech, les projets iraniens et turcs, tous chercheront à combler le vide qui pourrait se créer en cas de retrait des forces de la coalition internationale. Cela se ferait au détriment des peuples qui vivent dans l’est et le nord de la Syrie, dont les chrétiens syriaques font partie.

Appel au monde occidental

L’ensemble du monde occidental affirme qu’il est nécessaire de soutenir les chrétiens du Moyen-Orient, que ce soit par la voix de ses hommes et femmes politiques, de ses autorités religieuses ou de ses organisations, gouvernementales ou non. Où sont-elles aujourd’hui ? Pourquoi ne font-elles rien de concret face aux grands dangers qui planent sur l’est et le nord de la Syrie ? Les grands slogans ne servent à rien s’ils restent de simples mots. Il est urgent de consolider les chances de paix face aux risques de guerre, la paix que notre Seigneur Jésus-Christ a plantée en nous alors que nous vivons aujourd’hui dans la joie de sa grande naissance.

Tout ce que nous voulons, c’est un bel avenir pour nos enfants et les générations futures : nous voulons tous contribuer à dessiner l’avenir du pays avec le reste des Syriens, en garantissant nos droits légitimes et en assurant la justice et l’égalité entre tous les Syriens sur la base d’une Syrie plurielle, séculaire et décentralisée.

Sanharib Barsoum, Coprésident du parti de l'Union syriaque en Syrie.

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