«Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples», écrit Charles de Gaulle dans ses Mémoires. Quelques idées simples devraient en effet guider les actions des responsables européens : la paix globale et la stabilité stratégique dans le bassin méditerranéen, la fin des drames humanitaires liés à la crise des réfugiés et la guerre en Syrie, une paix durable entre les Israéliens et les Palestiniens. Sur ce dernier point, une conférence internationale aura lieu le 15 janvier. L’Union européenne contribue de façon substantielle à l’aide financière à l’Autorité palestinienne ; elle est donc légitime à faire valoir ses propositions pour une paix durable entre Israël et les Territoires palestiniens. L’Europe est surtout la seule référence politique valable pour le règlement des conflits, car elle est elle-même la preuve vivante qu’on peut mettre fin à des siècles de haines et de conflits, en mettant en place un mécanisme institutionnel qui privilégie la coopération à la confrontation.
La sécurité d’Israël ne doit plus être menacée et aucune négociation ne peut avoir lieu avec des Etats ou des organisations qui ne reconnaissent pas son droit à vivre en paix et sa pérennité. L’Europe doit aussi avancer ses propositions visant à la création d’un Etat palestinien. Elle peut aussi faire valoir ses idées pour une solution raisonnable s’agissant de Jérusalem, dont la situation est très complexe. Quel que soit le statut futur de Jérusalem-Est, la liberté totale d’accès aux lieux de culte devra être garantie. On pourrait imaginer un statut spécial pour l’ensemble des lieux saints se conciliant avec une double capitale, Jérusalem-Est devenant la capitale d’un futur Etat palestinien. Les Palestiniens pourraient aussi accepter une autre capitale pour leur Etat : Ramallah, déjà la capitale administrative de l’Autorité palestinienne, pourrait s’insérer dans une métropole de Jérusalem, puisqu’elle n’est située qu’à une quinzaine de kilomètres de cette ville. Si Jérusalem devait rester la capitale de l’Etat d’Israël, une dévolution de pouvoirs administratifs pourrait être organisée sous la forme d’une décentralisation permettant à la partie Est de la ville de s’administrer librement au sein d’une intercommunalité à compétences spécialisées, gérées paritairement entre les Israéliens et les Palestiniens s’agissant des lieux saints. Mais cette réconciliation, comme le fut la réconciliation franco-allemande, ne peut se suffire à elle-même. Elle doit s’insérer dans un cadre plus large, celui d’une Union de la Méditerranée.
L’Europe est aujourd’hui également le principal pourvoyeur de financements à destination de l’Union pour la Méditerranée (UPM), qui est une idée aussi brillante et visionnaire que la CEE de Jean Monnet l’a été pour l’Europe. Il s’agit de refuser la logique de la division qui gangrène la Mare nostrum depuis la confrontation entre les deux fils d’Abraham. Il faudrait simplement remplacer l’UPM par une «Union de la Méditerranée». L’urgence est d’abord la crise des migrants, qui ne pourra se résoudre que par une cogestion Nord-Sud. Il est aussi temps de tirer les leçons des succès de l’Europe, son implication réussie dans l’accord sur le nucléaire iranien, mais aussi ses échecs cinglants en Syrie et en Libye, où elle n’a pu qu’assister au déferlement de guerres civiles, à la montée du terrorisme et, pour finir, à sa mise hors-jeu dans le règlement du conflit syrien. Une Union de la Méditerranée confortera le processus de réconciliation israélo-palestinienne en donnant justement à Israël la garantie que les pays arabes voisins seront liés à un processus de coopération et d’intégration. Seuls les pays qui accepteraient les règles de fonctionnement démocratique et des valeurs universelles des droits de l’homme, s’inspirant de celles du Conseil de l’Europe, pourront en faire partie. Il s’agirait de la Tunisie, mais aussi demain de la Jordanie, du Liban, du Maroc. Cette Union engloberait les pays de l’Europe du Sud et aurait un fonctionnement propre. Pour l’Union européenne, un rôle d’unification du monde méditerranéen sera à la hauteur des valeurs et du symbole de réconciliation qu’elle incarne. L’Union de la Méditerranée sera le processus qui insérera la cohabitation de deux Etats, Israël et la Palestine, dans un processus qui se voudra irréversible. Elle apportera aussi les mécanismes qui permettront de trouver une solution pour mettre fin à cette honte qui ternit l’image de l’Europe depuis plusieurs années, les milliers de vies perdues chaque année dans les noyades en Méditerranée.
Henri Malosse, ex-président du Comité économique et social européen (Cese), président de Initiatives économiques pour la Méditerranée (IEPM).
Patrick Martin-Genier, spécialiste des questions européennes, enseignant à Sciences-Po.