Pékin redouble d’attention pour l’Amérique latine

La mise en place par les Etats-Unis du partenariat transpacifique de libre-échange (TPP) qui exclut la Chine a réveillé, si besoin était, l’intérêt chinois pour l’Amérique latine. Pékin préconise de faire évoluer rapidement les membres de l’APEC (Coopération économique en Asie-Pacifique) en une zone de libre-échange Asie-Pacifique (en anglais FTAAP) dans le but de faire de l’ombre au TPP, qui dépend de Washington. A Manille, le 18 novembre 2015, le 23e sommet de l’APEC a témoigné de la volonté concurrente des présidents Xi et Obama de séduire les pays du sud du continent américain.

Les pays d’Amérique latine riverains du Pacifique restent ouverts aux offres des deux puissances. Si les Etats-Unis ont tenté de verrouiller une majorité d’entre eux en invitant dans le TPP le Mexique, le Pérou et le Chili, la Chine, qui possède déjà ses entrées au Nicaragua et au Costa Rica, a fait un mouvement en direction de la Colombie, soudain parée de toutes les qualités. Les échanges sino-colombiens totalisent 15,5 milliards de dollars et ont crû au cours de l’année 2015, alors que ceux enregistrés avec les autres pays d’Amérique latine ont stagné ou reculé.

Devenue la troisième économie sud-américaine en 2014 à la place de l’Argentine, la Colombie semble disposée à écouter les sirènes de l’Orient ; le président Juan Manuel Santos s’est dit intéressé par la coopération chinoise en matière d’infrastructures, de production agricole et d’agroalimentaire, et compte sur la Chine à l’ONU pour appuyer le processus de paix dans son pays. Souvent placés en première ligne des entreprises chinoises lorsqu’un pays stratégique est à conquérir, Huawei (semi-privé) et ZTE (semi-public) sont les têtes de pont de Pékin en Colombie.

Exemple négatif du Mexique

L’annonce par le Fonds monétaire international (FMI) de l’inclusion du renminbi dans son panier de droits de tirage spéciaux (DTS) a suscité l’intérêt dans la région. Le vice-président argentin Amado Boudou a demandé l’accélération du processus d’internationalisation de la devise chinoise ; son pays avait obtenu en juillet de Pékin un swap de devises de 11 milliards de dollars, véritable bouée de sauvetage pour le pays.

Auparavant, la Chine avait accordé un quota de 8 milliards de dollars aux investisseurs internationaux qualifiés au Chili. La China Construction Bank (CCB) est devenue la première banque de clearing du renminbi du continent au Chili, et l’Industrial & Commercial Bank of China (ICBC) en Argentine.

Pour ces raisons d’ordre politique, les projets d’infrastructures chinois en Amérique latine ne tarderont pas à se multiplier, même si l’exemple négatif du Mexique démontre la difficulté de contrer l’influence américaine dans sa zone réservée. La Chine privilégie une politique des petits pas, doublée de quelques grandes réalisations isolées.

Projet d’« Année d’échange culturel Chine-Amérique Latine »

Le grand chantier du canal transcontinental au Nicaragua doit être considéré avec le recul qui sied à une illusion par trop onéreuse, mais les deux projets de liaisons ferrées du Pacifique à l’Atlantique à travers l’Amérique du Sud sont beaucoup plus avancés et vraisemblables. L’approche financière qui se développe depuis mi-2015 démontre que d’autres moyens, tout aussi efficaces mais moins spectaculaires, sont utilisés par Pékin.

Enfin, souhaitant imprimer sa marque historique personnelle dans le domaine culturel comme dans d’autres domaines, le président Xi Jinping s’est investi dans le projet d’« Année d’échange culturel Chine-Amérique Latine » pour 2016, dont l’ampleur est la meilleure preuve de l’intérêt porté par la Chine au continent latin.

Au niveau des échanges, les importations chinoises de produits agricoles continueront à jouer le rôle moteur. Elles doivent doubler d’ici à 2020. Organisé depuis 2013, le Forum des ministres de l’agriculture de Chine, d’Amérique latine et des Caraïbes vient d’être institutionnalisé : son objet est de créer une plateforme d’échanges entre les agences gouvernementales et les instituts de recherche agronomique pour développer la coopération agricole. Un plan quinquennal (2015-2019) de coopération porte déjà sur l’élevage, la forêt et la pêche.

Christophe Granier (Conseiller du Commerce extérieur)

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