Plan Juncker : il faut saisir sa chance !

Notre Johnny Hallyday national nous réveille de notre torpeur fatale : « il faut saisir sa chance quand elle passe, il faut saisir sa chance quand elle vient (...), par où elle commence, d’où elle vient… » Bravo, Monsieur Juncker, de vous en être inspiré ! Ne laissons pas les critiques de métier, que l’on trouve dans toutes les corporations, briser votre inspiration. Beaucoup attendaient 300 milliards à dépenser tout de suite, sans savoir d’où ils viendraient, quitte à creuser des trous et à les reboucher. Mais le plan Juncker les prend de court, car sa logique économique est nouvelle et en fait très innovante à ce niveau d’ambition politique.

Ce plan innove. Sa mécanique n’est pas celle du multiplicateur keynésien, où le financement public permet de financer des projets qui, ensuite, libèrent du pouvoir d’achat, lequel suscite d’autres investissements et ainsi de suite. Sa logique n’est pas davantage celle de l’accélérateur d’Aftalion [du nom de l’économiste Albert Aftalion (1874-1956)], où l’investissement croît parce que la demande monte. Et pour cause : la demande n’est pas là.

La question à laquelle répond le plan Juncker est double : comment obtenir le plus possible de croissance privée avec le moins possible de financement public au moment où les caisses sont désespérément vides ; comment révéler des projets privés inconnus à ce stade des financeurs classiques ? Réponse : en faisant jouer aux fonds réunis non seulement le rôle de capital d’amorçage, mais aussi celui de révélateur d’idées. L’Union européenne devient ainsi un « venture capitalist » et un accoucheur de projets.

Engrenage fatal

Le plan Juncker mobilise d’abord ce qui est mobilisable, c’est-à-dire assez peu, 5 milliards d’euros de la Banque européenne d’investissement (BEI) et 16 milliards de garanties de la Commission européenne. Les Etats pourront contribuer en plus, hors critères d’endettement qui les contraignent aujourd’hui, mais dans le strict cadre de ce plan. Ainsi est né le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) qui va faire des prêts, du capital-risque et donner des garanties aux Midcap européennes.

Cela conduit la Commission à dire, à juste titre, qu’un milliard de garanties permet à la BEI d’en investir trois dans des projets cofinancés à hauteur de douze par des investisseurs privés. 1 ne devient pas 15, mais 1 permet 15. Et c’est ainsi que les 21 milliards mobilisés débouchent sur 315 !

C’est psychologique, va-t-on dire, mais c’est ainsi que va la vie économique. Il s’agit de débloquer un engrenage fatal par un appel à projets dans un contexte de montée des liquidités. Il s’agit de mobiliser les énergies et les informations disponibles, et de remplir la boîte à idées.

« Visionnaires influents »

La question principale n’est pas de demander à l’Allemagne de payer plus. Car cela ne serait rien à côté de la masse de capitaux privés qui achètent aujourd’hui, faute de mieux, de la dette à dix ans à moins de 1 % ! Il faut réveiller les bons esprits trop inquiets d’un côté, et l’argent disponible de l’autre, en disant que l’Union européenne est enfin sortie du business as usual et montre le chemin avec un nouveau plan Delors, adapté aux moyens et aux besoins de notre temps.

On pourra toujours dire que le multiplicateur de 15 avancé par les experts est excessif. Pas si sûr… Quand on voit ce qui se passe avec nos start-up et leur fantastique accélération, avec la nouvelle génération d’entreprises et d’entrepreneurs qui montrent le chemin de la vraie sortie de crise, celui de l’adaptation de notre économie au monde nouveau. Attention à ne pas être « les esclaves de quelque économiste passé », comme le disait Keynes. Attention à ne pas rater ce que peuvent nous apporter « les visionnaires influents », toujours pour le citer.

Soyons réalistes en reconnaissant les limites de nos moyens financiers. Mais soyons aussi objectifs en accueillant toutes les idées qui ne demandent qu’à grandir.

Par Jean-Paul Betbèze (Economiste et membre de la Commission Europe du MEDEF) et Loïc Armand (Président de la Commission Europe du MEDEF).

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