Pour « la création d’un système bi-monétaire mondial »

« Il n’y a pas de gagnants dans une guerre commerciale » rappelait la commissaire européenne au commerce Cecilia Malmström le 7 mars 2018, après que Donald Trump eut annoncé la mise en place de taxes sur les importations américaines.

De fait, depuis la Révolution industrielle, l’ouverture des économies a permis une accélération du développement économique, social et politique des différents pays du globe. Le libre-échange est aujourd’hui nécessaire dans un monde dont les pays sont interdépendants. Une résurgence du protectionnisme est à combattre, car il menace la cohésion internationale.

Mais le libre-échange a aussi des tares indéniables, notamment en ce qui concerne la dégradation de l’environnement. Selon le Forum international des transports, le fret international de marchandises est à l’origine de 7 % des émissions mondiales de CO2 – une proportion qui ne devrait qu’augmenter dans les prochaines années : le volume du transport de marchandises pourrait être multiplié par quatre d’ici à 2050.

Posture protectionniste

Ces chiffres sont vertigineux au regard des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre que proposent les accords de Paris, qui pourtant ne sont pas suffisants pour limiter à 2°C la hausse des températures.

C’est l’une des raisons pour lesquelles se développent de plus en plus de mouvements visant à mettre en avant les productions locales et à favoriser les circuits courts pour réduire au maximum les trajets de marchandises. Mais cette démarche a une limite : comment convaincre le plus grand nombre de choisir des productions qui, certes, ont un bilan carbone moindre, mais dont le prix est égal, voire supérieur, à celui de marchandises exportées depuis l’autre côté du monde ?

Une idée consisterait à créer une taxe à l’importation de produits étrangers, afin de faire augmenter leur prix relatif. Cette solution permet de favoriser la production nationale, mais fait tomber le pays dans une posture protectionniste.

Dès lors, le monde est face à un dilemme qui oppose un libre-échange nécessaire à la cohésion entre les hommes, mais dont le modèle actuel compromet leur survie, et un protectionnisme qui renierait des siècles d’ouverture, au titre de la préservation de l’environnement.

Une TVA différenciée

Des alternatives doivent être proposées. Si nous avions les clefs du monde, nous proposerions une réforme du système monétaire international, qui s’accompagnerait d’une réforme fiscale mondiale. Nous proposons la création d’une monnaie commune internationale qui remplirait l’ensemble des fonctions de la monnaie dans l’ensemble des pays du monde.

Elle se substituerait aux monnaies nationales ou régionales. Parallèlement à cela, nous souhaitons la création de monnaies locales potentiellement transfrontalières. Ces monnaies ne seraient utilisables que dans les zones où elles seraient émises. Tous les espaces régionaux disposeraient d’une monnaie locale.

Il existerait dès lors un système bi-monétaire mondial. Le cours des monnaies locales serait forcé, avec une parité de 1:1 avec la monnaie commune. Un même produit pourrait être réglé identiquement en monnaie commune ou en monnaie locale. La gestion de ce système bi-monétaire se partagerait entre une banque centrale mondiale et des banques centrales locales.

Parallèlement à ce système, une TVA différenciée selon la nature du règlement et la devise dans laquelle il serait effectué verrait le jour. Les produits réglés en monnaie locale seraient taxés à un niveau moindre que s’ils l’étaient en monnaie commune : une baguette de pain coûterait 1 unité monétaire commune mais 0,90 unité monétaire locale. En règle générale, le taux local serait égal à la moitié du taux commun, mais des alternatives sont possibles.

Pas de marché de change international

Un produit ne peut être proposé à ce système de TVA différenciée dans une aire géographique où une monnaie locale « A » est en vigueur que si la majorité de ses coûts de production ont été réglés en monnaie locale A. Ainsi, un produit fabriqué à 8 000 kilomètres ne peut être proposé à un prix inférieur que s’il est payé dans une certaine devise par le consommateur.

Il n’y aurait pas de marché de change international : il ne serait possible d’échanger de la monnaie commune contre de la monnaie locale – et inversement – que dans la zone géographique concernée par cette monnaie locale. Toute activité spéculative sur la valeur des monnaies serait dès lors impossible.

Cette mesure aurait deux effets directs sur le commerce et les échanges.

D’une part, la création d’une monnaie commune internationale favorisera le développement du libre-échange, en limitant les coûts de transaction et l’incertitude liés aux risques de change. Par ailleurs, elle empêchera les politiques monétaires discrétionnaires isolées.

En effet, lorsque plusieurs monnaies nationales cohabitent, laisser une monnaie se déprécier est tentant, puisque cela permet de rendre l’économie du pays plus compétitive. Mais si tous les pays font de même, alors personne ne gagne. Dans le cadre d’une monnaie commune, ce genre d’actions est impossible.

Un système schizophrène

D’autre part, le système de monnaies locales permettra le développement des circuits courts et la valorisation d’échelles de production locales. L’incitation par les prix que représente la différenciation de la TVA amènera en effet les producteurs à avoir le plus possible recours à des consommations intermédiaires d’origine locale, tandis que les consommateurs seront encouragés à acheter des biens et des services produits plus près de chez eux. Mais cette démarche de relocalisation des productions se fera en dehors de tout cadre protectionniste.

La baisse de la TVA sur les produits locaux permettra aussi de relancer la consommation : la baisse du prix de certains produits augmentera le pouvoir d’achat des ménages, a fortiori pour les revenus les plus bas. Cette relance de la consommation étant ciblée sur les produits locaux, ses effets positifs seront concentrés sur les circuits courts.

La mise en place d’un double système monétaire permet de répondre au mieux aux besoins d’une économie mondialisée qui présente aujourd’hui deux visages distincts : d’un côté, une production – agricole notamment – qui devra être de plus en plus locale dans une démarche de développement durable ; de l’autre une production nécessitant de fortes spécialisations, qui ne peut exister qu’à l’international.

Il s’agit d’abandonner un système schizophrène qui repose sur des monnaies nationales freinant à la fois le commerce international et les circuits courts, et de mettre fin à un fonctionnement qui se veut uniforme d’une réalité économique qui l’est de moins en moins.

Par Elias Orphelin, elève en classe préparatoire économique et commerciale, option économie, au lycée Nelson-Mandela, à Nantes.

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