Pour les Rohingyas de Birmanie : partir ou mourir

En Birmanie, les violences contre la minorité musulmane rohingya se sont transformées en attaques systématiques, et une politique nationale de discrimination, de persécution et de destruction a été mise en place par les autorités et les extrémistes locaux. Un grand nombre d’éléments inquiétants constituent des signes avant-coureurs de génocide dans l’ouest du pays. L’avenir des Rohingyas semble se limiter à deux choix : partir ou mourir.

Les violences ethniques, les incendies d’habitations et les rhétoriques haineuses continuent en toute impunité.

Le gouvernement nie catégoriquement l’existence des Rohingyas et s’appuie sur le climat actuel de racisme et sur les extrémistes bouddhistes pour soutenir les lois discriminatoires que ces derniers proposent. Si certains moines extrémistes ont clairement intégré une logique de nettoyage ethnique, c’est avant tout aux partisans du régime militaire autoritaire que les troubles semblent profiter. Les conditions de vie des Rohingyas s’apparentent aujourd’hui à celles de prisonniers : ils doivent obtenir des autorisations pour se déplacer et se marier ; leur nombre d’enfants est limité et leur accès à l’école presque impossible ; ils ne peuvent pas travailler librement et n’ont pas accès aux besoins de première nécessité. Ils se retrouvent prisonniers dans leurs propres villages ou dans des camps de déplacés que tout semble assimiler à de véritables camps de concentration.

En janvier, des bouddhistes extrémistes ont accusé les organisations humanitaires d’aider «en priorité les musulmans» et demandé leur expulsion. Affichant son adhésion à leurs revendications et sa volonté de pousser les Rohingyas à l’exil, le président, Thein Sein, avait répondu en chassant de la région Médecins sans frontières (MSF), principal prestataire de soins médicaux dans l’Etat d’Arakan.

Un mois plus tard, la situation déjà dramatique de ces communautés s’est encore aggravée quand des manifestants bouddhistes ont attaqué les locaux de plusieurs organisations humanitaires, à Sittwe, la capitale de l’Etat d’Arakan. Une douzaine de bureaux d’ONG et des Nations unies ont été détruits et plus de 300 travailleurs humanitaires ont été forcés de fuir la région. Les manifestants ont soigneusement coordonné leurs attaques afin de démanteler les mécanismes de distribution de l’aide : entrepôts et fournitures destinées aux Rohingyas ont été détruits ainsi que des bateaux, seul moyen d’atteindre certains camps isolés, en particulier durant la saison des pluies.

La présence de ces organisations dans l’Etat d’Arakan est pourtant une question de vie ou de mort pour ces populations. En juillet, sous la pression internationale, le gouvernement a finalement autorisé Médecins sans frontières à reprendre ses activités dans la région, mais la question est de savoir si cet engagement sera respecté, et surtout sous quelles conditions.

Ces restrictions ont mis en lumière la dépendance à l’aide humanitaire des 800 000 Rohingyas présents dans cette région et qui ne sont pas libres de se rendre dans les hôpitaux publics, ni de trouver un travail. L’absence des ONG pendant ces quelques mois a empêché des milliers de personnes de recevoir leur traitement thérapeutique, et de nombreux décès liés à des maladies curables auraient pu être évités.

L’accès de la minorité musulmane aux soins médicaux de première nécessité, à la nourriture et à l’eau est entre les mains du gouvernement, mais celui-ci semble prêt à sacrifier les besoins fondamentaux des Rohingyas pour satisfaire les extrémistes et renforcer sa popularité en vue des élections de 2015. En leur refusant la liberté de circulation et en restreignant l’accès des organisations humanitaires, les autorités birmanes leur infligent des conditions d’existence pouvant à terme entraîner la disparition de cette population.

La France et l’Union européenne doivent exhorter le gouvernement birman à autoriser les organisations humanitaires à reprendre leurs opérations dans l’Etat d’Arakan sans aucune restriction.

La montée des tensions religieuses constitue la plus grande menace pour la paix et une future transition vers la démocratie en Birmanie. Les persécutions se répandant maintenant à travers l’ensemble du pays et ne concernent plus seulement les Rohingyas, mais aussi les autres minorités musulmanes qui ont la citoyenneté birmane. La situation pourrait considérablement empirer durant les mois à venir si des mesures urgentes ne sont pas prises.

Célestine Foucher, coordinatrice de l’association Info Birmanie.

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