Pour l'unité et les droits palestiniens

En Palestine, l'heure est désormais à la réconciliation nationale. A l'aube de la 63e commémoration de la Nakba qui marque le début de l'exode palestinien, il faut s'en féliciter. Plus tôt cette année, l'éclairage apporté par Al-Jazira et The Guardian sur le "processus de paix" grâce à la publication de 1 600 documents relatifs aux négociations israélo-palestiniennes avait causé une profonde consternation parmi les Palestiniens et au sein du monde arabe. Couvrant plus de dix ans (1999-2010) de vains pourparlers entre Israël et l'OLP, ces "Palestine Papers" illustrent les dérives d'un processus politique aussi inéquitable que destructeur car fondé sur le postulat que les Palestiniens pouvaient efficacement négocier leurs droits et parvenir à leur auto-détermination tout en souffrant chaque jour un peu plus des affres de l'occupation israélienne.

Puisque mon nom a circulé comme étant l'une des sources possibles de ces fuites, j'aimerais clarifier ici mon implication dans ces révélations et mes motivations. J'ai en effet toujours agi dans le sens de l'intérêt du peuple palestinien, dans son ensemble, et autant qu'il m'est possible au vu de mes capacités d'action.

Recruté par l'Unité de soutien aux négociations ("Negotiations Support Unit") de l'OLP comme conseiller juridique sur le dossier des réfugiés palestiniens, mon expérience du "processus de paix" a débuté en janvier 2008. C'était peu après la conférence d'Annapolis où l'objectif de la création de l'Etat palestinien fût annoncé pour la fin 2008. En novembre de cette même année, après seulement onze mois passés à Ramallah, j'ai démissionné de mon poste. En décembre, au lieu de l'avènement d'un Etat en Palestine, j'ai été témoin à la télévision des bombardements puis de l'invasion par l'armée israélienne de la bande de Gaza qui causa plus de 1 400 morts côté palestinien.

Mes fortes convictions et mes vues sur le "processus de paix", amplement détaillées dans ma lettre de démission en date du 9 novembre 2008, sont claires et connues des négociateurs palestiniens depuis lors.

Les "négociations de paix" se sont avérées être une farce trompeuse dont les termes biaisés étaient dictés unilatéralement par Israël et systématiquement endossés par les Etats-Unis et les capitales européennes. Loin de permettre une juste résolution du conflit, la poursuite du processus d'Oslo a permis l'aggravation des politiques ségrégationnistes israéliennes et justifié le resserrage du contrôle sécuritaire imposé sur la population palestinienne ainsi que sa fragmentation démographique. Loin de sauvegarder la terre sur laquelle l'Etat palestinien attend toujours de poser ses fondations, ces pourparlers ont laissé libre-cours à l'intensification de la colonisation israélienne. Loin de préserver la cohésion nationale en vue d'un espoir d'indépendance, le processus auquel j'ai brièvement participé a été enfin décisif dans la création et le maintien des divisions entre Palestiniens.

Dans ses développements les plus récents, le "processus de paix" était devenu un trompe-l'œil cruel dont la population de Gaza a le plus atrocement souffert. En définitive, il excluait même la grande majorité du peuple palestinien : les 7 millions de réfugiés. Mon expérience confirme en effet que l'OLP, dans sa configuration actuelle, n'était plus en position de représenter l'ensemble des droits et des intérêts palestiniens. Tragiquement, les Palestiniens ont été maintenus à l'écart du sort réservé à leurs droits individuels et collectifs dans les négociations à un moment de leur histoire où leurs directions politiques divisées n'étaient plus rendues responsables devant leur peuple de leurs décisions, ou de leur inaction.

Après avoir démissionné, j'ai compris qu'il était de mon devoir d'informer le public des développements les plus alarmants des pourparlers israélo-palestiniens. Dévoyés, injustes, ceux-ci se sont révélés insupportables.

Peu après la guerre de Gaza, j'ai commencé à mettre en mots mon expérience à Ramallah. Dans mon témoignage publié en France en septembre 2010 sous le titre désenchanté "Il n'y aura pas d'Etat palestinien" (Max Milo, 2010), j'écrivais : "le processus de paix est un spectacle, une farce, qui se joue au détriment de la réconciliation palestinienne, au prix du sang versé à Gaza". Plus tard, animé par les mêmes motivations et en toute indépendance, j'ai accepté de partager certaines informations avec Al-Jazira, essentiellement sur le sort des droits des réfugiés dans les négociations de 2008. D'autres sources, dont je ne connais pas l'identité, en ont fait de même. Porter largement les dérives du "processus de paix" à un public arabe et occidental était essentiel et justifié par l'intérêt public du peuple palestinien. Agir en ce sens relevait pour moi d'une obligation morale, juridique et politique. Depuis, ma conviction et mes motivations restent inébranlables.

Aujourd'hui, je suis soulagé de savoir que cette information de première main est accessible au peuple palestinien écartelé entre la vie sous occupation et la vie en exil. Dans un sens, les droits des Palestiniens sont de nouveau entre les mains de leurs titulaires et ceux-ci sont désormais en mesure de faire les choix éclairés qui s'imposent quant au futur de leur lutte. Je suis aussi heureux de savoir que les acteurs internationaux qui sont parties prenantes aux tentatives de résolution du conflit israélo-palestinien ont tout autant accès à ces documents. Le monde ne peut plus sérieusement occulter la sincérité et la force de l'engagement des Palestiniens en faveur de la paix, alors que la poursuite de négociations répondant aux seules injonctions de la puissance occupante a abouti à des compromis pour eux désastreux, qui seraient inacceptables dans n'importe quelle autre région du globe. Enfin, je suis rassuré de constater que le peuple de Palestine dans son ensemble sait que la réconciliation entre toutes ses composantes doit être le premier pas en vue de sa libération.

Les Palestiniens de Cisjordanie, les Palestiniens de la bande de Gaza, les Palestiniens d'Israël et les Palestiniens de l'exil ont un futur en commun. Le chemin vers l'auto-détermination palestinienne passera par la participation de tous, au sein d'une organisation politique rénovée.

Par Ziyad Clot, avocat, était conseiller juridique dans le cadre des négociations d'Annapolis entre Israël et l'OLP.

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