Pour un accord efficace sur le climat

En décembre, Paris accueillera des négociations décisives pour le changement climatique. Les délégués des Nations unies devront parvenir à un accord contraignant permettant de limiter à 2 0C l’augmentation de la température mondiale. L’analyse économique peut nous permettre d’identifier les stratégies les plus efficaces.

Le changement climatique relève de la gestion d’un « bien commun » à l’échelle mondiale. A long terme, l’humanité bénéficierait massivement d’une coopération internationale sur le climat ; malheureusement, chaque pays est fortement incité à laisser aux autres la charge de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’approche consensuelle chez les économistes pour résoudre ce problème de « passager clandestin » consiste à imposer un prix uniforme sur les émissions. Une telle stratégie incite les pollueurs à engager tous les efforts de réduction des émissions dont les coûts sont en deçà de ce prix. Elle garantit à la collectivité que le bénéfice environnemental est maximal pour un sacrifice collectif donné.

Bien que cette approche ait fait ses preuves dans le passé pour résoudre d’autres questions environnementales, elle reste difficile à faire accepter : lors de la conférence de Copenhague de 2009, l’idée d’un prix mondial du carbone a été abandonnée, et la convention-cadre sur le changement climatique de l’ONU s’est transformée en une chambre d’enregistrement de promesses d’efforts à venir pour lutter contre le réchauffement.

Course de lenteur

Ce mécanisme d’engagements volontaires sera certainement confirmé à Paris alors qu’il se limite pour chaque pays à indiquer des engagements non contraignants, sans même prévoir une méthode coordonnée pour en mesurer la mise en œuvre.

La stratégie d’engagements volontaires est largement insuffisante. Elle n’a pas l’efficacité économique que procure la fixation d’un prix unique du carbone. En outre, l’absence de tout engagement contraignant limite sa crédibilité.

A Paris, les pays auront tout intérêt à faire en sorte que leurs engagements soient difficilement comparables entre eux et impossibles à vérifier, ce qui leur permettra de revenir facilement sur leurs promesses. Enfin, ce processus renforce les attitudes non coopératives, car continuer à polluer permet de renforcer sa position dans les futures négociations. La course de lenteur continue.

On peut rêver d’un monde meilleur. Une taxe carbone, prélevée par chaque pays, semble être un outil bien plus efficace. Chaque nation s’engagerait sur un prix ambitieux du carbone si tous les autres en faisaient autant. Afin de répondre aux préoccupations liées à l’équité, des transferts pourraient être établis en faveur de pays en développement ou réticents à rentrer dans un accord global, par le biais du Fonds vert pour le climat, par exemple.

Un système de marché de permis d’émission

Malheureusement, un fonds vert est trop visible pour être politiquement acceptable : les gouvernements ne souhaitent pas être « vus » en train de donner d’importantes sommes d’argent à des étrangers. En outre, et surtout, les pays peuvent mettre en place une taxe carbone sans l’appliquer pleinement ou en atténuant son effet par des subventions ou des allégements fiscaux. Il est difficile d’imposer de l’extérieur une discipline fiscale, comme on a pu le voir en Grèce avec la « troïka ».

En revanche, un système se concentrant sur le niveau d’émission nationale est relativement simple, puisque la technologie permet aujourd’hui de surveiller facilement les émissions de CO2 d’un pays.

Nous privilégions donc un système de marché de permis d’émission, dans lequel une organisation multilatérale attribuerait aux pays participants, ou leur vendrait aux enchères, des permis échangeables. Les exemples à travers le monde – au sein de l’Union européenne mais également en Californie, en Corée du Sud et dans certaines parties de la Chine – démontrent la faisabilité de cette solution et fournissent aujourd’hui des indications précieuses sur la meilleure manière de la mettre en œuvre.

Un tel marché permettrait de définir un prix du carbone unique au niveau mondial. Les mesures de compensation en faveur des pays en voie de développement pourraient être mises en place par de simples attributions gratuites de permis.

Sanctions

Cependant, même en cas d’obtention d’un accord adéquat sur le changement climatique, il faudra encore s’assurer de son application. Comme nous avons pu le constater avec les engagements du protocole de Kyoto, ternir la réputation d’un pays qui revient sur sa parole a un effet limité : celui-ci se trouvera toujours des excuses. Il n’existe aucune solution miracle, mais au moins deux mesures pourraient être utilisées contre les pays qui ne respectent pas les accords signés.

Tout d’abord, l’Organisation mondiale du commerce devrait traiter le refus de mettre le même prix que les autres sur le carbone comme une pratique de « dumping » entraînant des sanctions.

Deuxièmement, une insuffisance de permis à la fin de l’année serait valorisée au prix de marché et s’ajouterait à la dette publique du pays concerné. Dans le même esprit, les Etats non signataires devraient être pénalisés par le biais de taxes prélevées aux frontières et gérées par l’OMC.

Il n’y a pas de solution idéale, mais l’actuelle stratégie fondée sur des engagements volontaires et non contraignants est vouée à l’échec, en favorisant l’attentisme. Une taxe carbone mondiale est une meilleure solution. Mais la mise en place d’un marché d’émissions nous semble être la solution la plus pertinente dans le cadre des négociations en cours.

Christian Gollier (Ecole d'économie de Toulouse). Jean Tirole (Ecole d'économie de Toulouse)

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *