Pour un référendum sur l’avenir de la Catalogne, c'est une question de démocratie

Foule rassemblée pour la fête de l'autonomie de la Catalogne à Barcelone, le 11 septembre 2003. © Julian Martin
Foule rassemblée pour la fête de l'autonomie de la Catalogne à Barcelone, le 11 septembre 2003. © Julian Martin

Une grande partie de la société catalane est arrivée à la conclusion que pour améliorer son bien-être, préserver la cohésion sociale et maintenir sa personnalité culturelle dans toute sa diversité, un Etat catalan s’impose. Elle est arrivée à la conclusion que ces objectifs démocratiques ne sont pas garantis au sein de l’actuel Etat espagnol.

Lors des dernières élections catalanes, les forces politiques favorables à l’indépendance, qui réunissent tout l’éventail idéologique, à l’exception de l’extrême droite, ont obtenu la majorité absolue au parlement catalan. De plus, les représentants favorables à la convocation d’un référendum sur l’indépendance ont atteint presque les deux tiers de la chambre.

Refus catégorique du dialogue

Néanmoins, la demande d’un référendum similaire à celui qui a eu lieu au Québec ou en Ecosse s’est heurtée de la part du gouvernement espagnol non seulement à une opposition absolue, mais aussi à un refus catégorique du dialogue et de la négociation. Ceci sans oublier les poursuites judiciaires des leaders indépendantistes ayant mené des actions pacifiques et démocratiques en faveur du droit à voter.

Pourquoi une partie si importante de la société ressent-elle la nécessité de former un Etat propre? Le pari principal du catalanisme politique a été d’encourager les réformes en Espagne et de s’engager dans toutes les tentatives de démocratisation et de modernisation de l’Espagne après la dictature franquiste.

Processus de régression

Cette voie réformiste avait obtenu des avancées significatives jusqu’à ce que le gouvernement ultraconservateur de José María Aznar entame un processus de recentralisation et de régression, qui s’est poursuivi sous le gouvernement social-démocrate de Zapatero et qui s’accentue avec le gouvernement de Rajoy.

Pendant cette période, la principale loi d’autonomie de la Catalogne, le Statut, que les Catalans avaient approuvé dans les urnes en 2006, après avoir été rogné par le parlement espagnol, a été substantiellement invalidé en 2010 par le Tribunal constitutionnel à la demande du Parti populaire (PP). Un tribunal, rappelons-le, politisé et présidé par un ancien militant de ce même parti.

Une guerre sale

Suite à cette invalidation, l’expression du malaise de la société catalane a reçu une réponse catégoriquement fermée du gouvernement espagnol: la judiciarisation permanente du problème politique catalan, la manipulation des institutions de l’Etat par les partis, ce qui pourrait être qualifié de guerre sale, la menace et les poursuites pénales des représentants politiques catalans, et enfin la détérioration visible de la qualité démocratique de l’Etat. Cette réponse a fait évoluer la volonté du peuple catalan, qui est passé d’une attitude réformiste vers l’Espagne à l’aspiration de l’indépendance.

Quoi qu’il en soit, la demande d’indépendance n’est ni un fait minoritaire, ni un caprice conjoncturel. Il s’agit d’un mouvement politique et citoyen croissant, toujours démocratique, qui n’a pas trouvé de réponses. Ce n’est pas non plus l’expression d’un nationalisme ethnique ou exclusif.

Identité plurielle et flexible

La Catalogne est un pays d’accueil, qui a reçu au cours du XXe et du XXIe siècle une grande partie de sa population actuelle, issue d’abord du reste de l’Espagne, et actuellement surtout de l’immigration extracommunautaire. La Catalogne a créé un modèle inclusif et ouvert, ainsi qu’une identité plurielle et flexible, où la langue et la culture ont une grande valeur, mais où la cohésion sociale est aussi considérée par tous comme un bien précieux.

Le processus indépendantiste n’est pas non plus une tentative de désolidarisation du reste de l’Espagne ou de l’Europe. Bien au contraire, forte d’une puissante économie basée sur l’industrie, la Catalogne est un contributeur net aux économies espagnole et européenne, et n’a pas l’intention de cesser de l’être. Son intention est de modifier sa gestion pour qu’elle devienne efficace, afin que sa contribution soit plus juste et structurellement utile pour les deux territoires.

Mouvement indépendantiste profondément démocratique, pacifique et civique

En Catalogne, nous pensons que dans une démocratie toutes les idées peuvent être défendues et que tous les objectifs peuvent être atteints à travers les urnes. Nous en sommes convaincus. Le mouvement indépendantiste est profondément démocratique, pacifique et civique.

Malgré cela, le gouvernement espagnol affirme que nous ne pouvons pas défendre un objectif légitime; que cet objectif n’est pas viable, qu’il est illégal et qu’il sera poursuivi en justice; que l’unité de l’Espagne est un principe immuable et par conséquent imperméable à la volonté des citoyens.

Lorsqu’on constate un mouvement d’une telle envergure soutenu par les urnes, comme c’est le cas du mouvement indépendantiste catalan, le moins que l’on puisse demander à un gouvernement c’est qu’il soit à l’écoute et qu’il dialogue.

Un chemin qui sera poursuivi

Cela n’a pas eu lieu. Le gouvernement catalan, au nom du mandat démocratique octroyé par les électeurs catalans, souhaite que ses citoyens puissent exprimer si la Catalogne doit ou non être une République et atteindre l’indépendance. Le consensus parlementaire a établi qu’un référendum en serait l’outil. La Catalogne a emprunté un chemin qu’elle poursuivra.

Nous offrons au gouvernement espagnol la possibilité de tout négocier: la date du référendum, la question, les garanties démocratiques du processus, les majorités qualifiées pour valider le résultat, etc.

Il est particulièrement difficile de comprendre que le fait d’avoir recours à la démocratie pour que les Catalans choisissent leur propre futur puisse être assimilé à un délit. Notre demande est juste et pacifique. Face à l’incompréhension du gouvernement espagnol, face à la négation et à l’intransigeance, nous opposons une proposition démocratique: convoquer un référendum et accepter son résultat. Nous le ferons.

Raül Romeva est ministre des Affaires étrangères, des relations institutionnelles et de la transparence du gouvernement catalan.

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