Pour une fiscalité verte internationale

L'Europe a un rendez-vous historique avec la communauté internationale. Douze ans après le protocole de Kyoto, nous sommes en passe de planifier pour l'après-2012 l'action du monde contre le processus de changement climatique. L'ultime occasion pour nous, Européens, de métamorphoser nos stratégies, nos acteurs et nos moyens face à ces défis écologiques de premier ordre.

Premier de ces défis : l'efficacité énergétique. Trop souvent oubliées, la sobriété et de l'intelligence collective face aux divers gaspillages sont les moyens de réduire la facture énergétique payée par les citoyens européens d'aujourd'hui et de demain.

Cet enjeu illustre un paradoxe inacceptable : le problème grandit, alors que les solutions technologiques existent : qu'il s'agisse du ferroutage (projet Lyon-Grenoble-Turin), du tunnel ferroviaire sous le Montgenèvre (entre la France et l'Italie), du rail à grande vitesse (pour l'arc méditerranéen, puis les ouvertures vers l'Est), du tramway, des voies fluviales et maritimes (bateaux à grande vitesse), la révolution de la mobilité européenne, ce n'est pas pour 2040, nous en avons besoin maintenant ! Dans le même sens, écoconstruction contre bétonnage urbain, valorisation verte des déchets contre incinération... il faut changer nos automatismes ; rien n'est figé.

Tenons un langage de vérité aux peuples : la solution ne viendra ni de l'importation du gaz de l'Azerbaïdjan ni de l'énergie solaire du Sahara. Elle viendra uniquement de notre capacité d'innovation, ainsi que de notre volonté à nous changer, jusque dans nos cultures et nos certitudes

Par exemple : changeons nos rapports aux déplacements. Cessons de considérer qu'un produit transporté sur 100 000 km a le même prix que le même produit transporté sur 10 km. La différence ? Selon le mode de transports utilisé, la facture énergétique explose... au détriment de la collectivité, non polluante mais payante. C'est bien de proximité et de décentralisation dont nous avons besoin pour gagner le défi de l'autonomie énergétique, si essentiel à l'Ouest comme à l'Est de l'Europe à l'aube de ce siècle.

Que je sache, le soleil brille aussi chez nous et nos vents marins sont aussi puissants qu'ailleurs ! Pourquoi sommes-nous alors si peu pourvus en énergies renouvelables alors que nos bâtiments scolaires et administratifs, nos zones commerciales et industrielles, tout comme les zones désertiques non agricoles sont des espaces disponibles pour intégrer les panneaux photovoltaïques de nouvelle génération ? Tout ceci doit être fait avec bon sens. On n'est pas obligé d'installer des milliers d'éoliennes à proximité de sites environnementaux remarquables...

Changer les cultures, les pratiques, les comportements collectifs... très bien. Mais Copenhague doit apporter des réponses précises à des questions qui le sont tout autant. Par exemple, en ces temps de déficits budgétaires croissants, le moment n'est-il pas venu de s'interroger sereinement sur la place du nucléaire en Europe et dans le monde ? Ces milliards d'euros distribués pour la construction des réacteurs EPR, pourtant si prolifiques en déchets radioactifs... à quoi ont-ils manqué ? A la recherche fondamentale, histoire de trouver enfin une solution au problème des déchets nucléaires (la "génération 4" de réacteurs ?) ; aux énergies renouvelables, pour leurs applications technologiques dans nos quotidiens.

Les enjeux climatiques ne sont pas objets de dogmes. Tant que l'action des Etats membres est sincère et engagée, l'Union peut fixer des objectifs différents aux uns et aux autres selon les réalités économiques, sociales et infrastructurelles du pays. Faire bénéficier la Pologne de dérogations, alors qu'elle est profondément ancrée dans l'industrie du charbon ? Pourquoi pas ! A condition que ces dérogations permettent à la Pologne d'en sortir progressivement. Demander un peu plus d'efforts aux Etats membres qui sont plus avancés que les autres ? Absolument d'accord, la France en tête. Contribuer à la hauteur de ses possibilités : c'est cela la méthode du développement durable !

Pour ne pas achopper sur les questions de financement, nous avons porté au Parlement européen, au sein d'une coalition "arc-en-ciel", l'idée d'une taxe Tobin pour le financement des énergies renouvelables dans les pays du tiers-monde. Dans le même esprit, l'existence d'un marché de droits à polluer n'interdit pas l'existence conjointe d'une fiscalité verte internationale. Parmi les autres mesures urgentes qu'il nous faut absolument soutenir, l'inclusion des grands principes du développement durable (principe de précaution, principe pollueur-payeur, transparence...) dans le corps des règles et des pratiques de l'OMC devient aujourd'hui impérative. La réflexion de l'OMC sur ces problématiques est désormais suffisamment avancée dans le temps : le droit international du commerce doit évoluer, et Copenhague est l'occasion rêvée pour les Etats d'en formuler le voeu.

Scientifiques, cinéastes, journalistes spécialistes nous alertent que nous entrons, sur le plan international comme européen, dans les arrêts de jeu. Ils ont raison ! Nous sommes face à l'impératif de "buts" et, plus que jamais, devant la nécessité d'exiger de bons arbitrages.

Jean-Luc Bennahmias, député européen et vice-président du Mouvement démocrate.