Pour une politique européenne « Climat-Transports »

Les transports resteront-ils encore longtemps l’angle mort de la lutte contre le changement climatique ? La question mérite d’être posée, quand on sait que ce secteur représente à lui seul plus du tiers des émissions de gaz à effet de serre en France, et un cinquième en Europe.

À Paris comme à Bruxelles, l’absence d’une vision politique d’avenir en matière de transports n’a que trop duré. Alors que la France accueillera en décembre le Sommet international du climat (COP 21), il est crucial que nos dirigeants ouvrent les yeux : la réponse à l’urgence climatique ne peut se faire sans une révolution de nos modes de transport.

Le constat est largement partagé au sein de la population. Chacun sait que si nos déplacements nécessitent de consommer tant de pétrole, c’est parce qu’ils se résument encore trop souvent au « tout routier ». L’objectif doit donc être de réaménager la ville en repensant la façon de nous y transporter, individus comme marchandises. Pour ce faire, les priorités sont bien connues, elles aussi.

Tramway, métro et pistes cyclables sont les modes de déplacement locaux indispensables pour contribuer efficacement au combat global contre le changement climatique. Idem pour le transport de marchandises, dont le transfert vers le fret ferroviaire, fluvial ou maritime aiderait à réduire considérablement nos dépenses d’énergie.

Des milliers d’emplois verts

Au passage, le développement de ces modes de transport innovants permettrait de créer des milliers d’emplois verts aujourd’hui inexistants, et de répondre aux besoins de mobilité des 8 millions de nos concitoyens qui en sont privés. Sauf qu’en France, certains préfèrent encore considérer ces idées de bon sens comme un luxe pour bobo. Et la fiscalité verte, que beaucoup d’États européens adoptent afin de faire évoluer les comportements, reste pour eux une forme d’écologie punitive.

On aurait pourtant pu croire à une prise de conscience de nos dirigeants, ces derniers mois. Après tout, le Plan d’investissement de Jean-Claude Juncker pour relancer l’Europe contient, pour un tiers, des projets dans le secteur des transports. En France, les deux dernières conférences environnementales ont permis à Manuel Valls d’annoncer 7 milliards d’investissement dans ce même secteur, et à Ségolène Royal de prendre fait et cause pour la voiture électrique.

Hélas, les uns et les autres tombent encore dans le panneau : le Plan Juncker s’apprête entre autres à verser 1 milliard d’euros pour le périphérique d’Anvers, et en France, il y a fort à craindre que la moitié des projets inclus dans les premiers contrats Etat-Région annoncés ne concernent que des investissements routiers. Et quand il ne s’agit pas de routier, c’est pour financer de grands projets aussi pharaoniques qu’inutiles, comme la liaison ferroviaire entre Lyon et Turin, plutôt que la nécessaire rénovation des infrastructures existantes, dont l’état désastreux pénalise chaque jour les usagers.

Cet immobilisme a un coût. En France, 42 000 personnes décèdent chaque année prématurément à cause des particules fines émises pour moitié par le diesel routier ; le total est de 350 000 dans l’Europe entière. On estime l’air irrespirable 1 jour sur 4 pour la seule région Rhône-Alpes ! Et les prévisions de températures pour le siècle à venir ont beau remettre directement en cause les conditions d’existence des générations suivantes, celles de nos enfants et petits-enfants, rien n’y fait : la France continue de figurer parmi les cancres en termes de fiscalité verte, au 21e rang des pays européens. Faudra-t-il qu’on en arrive à vivre au rythme des pics de pollution, plongés dans les nuages au point d’oublier que le ciel peut être bleu ?

Reculs de l’Union européenne

Il serait criminel de laisser perdurer le statu quo, alors que les transports sont au cœur des évolutions de notre société. Pas un jour sans une grève des taxis et autres VTC mis sous pression par Uber. Pas une semaine sans que les usagers des transports en commun soient otages du manque d’investissement et d’infrastructures vieillottes. Pas un mois sans coup de colère des routiers ou du personnel aérien, victimes de la course au « low cost ». Alors que la cocotte-minute menace d’exploser, donner enfin des règles à ce système à bout de souffle est plus qu’un besoin, c’est une nécessité.

À l’Union européenne de prendre l’initiative pour mettre les transports à la pointe de la lutte contre le changement climatique. La COP21 doit être l’occasion de réaffirmer sa place centrale dans ce combat, le plus important du siècle. Les obstacles ne manquent pas, à commencer par les résultats mitigés du sommet de Lima, et la possibilité que Chinois et Américains préfèrent négocier dans le dos du reste du monde.

Mais ce qui inquiète le plus, ce sont les reculs de l’Union européenne elle-même. Tête de pont du combat climatique il y a dix ans avec son « Paquet législatif Climat-Énergie », elle s’en est détournée ces dernières années. Si l’agriculture et l’industrie sont parvenues à faire baisser leurs émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, les transports ont vu les leurs augmenter de 30 %. Et les États de l’Union en restent pour l’instant à de bonnes intentions dans ce secteur, sans aucune garantie d’efficacité.

Si elle veut respecter ses engagements pris à horizon de 2020, il est grand temps que l’Union européenne répare cet échec considérable en se dotant, via un paquet « Climat-Transports », d’objectifs contraignants pour les transports en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Ce serait pour elle une occasion en or d’inverser le cours de son histoire récente et de préparer l’avenir. À moins de dix mois du sommet de la dernière chance, il en va de sa crédibilité en la matière, et de notre responsabilité collective envers la planète entière.

Karima Delli, Députée européenne (EELV)

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *