Pourquoi des milliers de gens risquent-ils leur vie pour venir en Europe?

Des hommes travaillant à la ferme, à Zaria, au Nigeria, le 15 novembre 2016. © Reuters
Des hommes travaillant à la ferme, à Zaria, au Nigeria, le 15 novembre 2016. © Reuters

Pour gérer les problèmes de migration, il faut en comprendre les causes. Il y a deux principales raisons pour qu’une personne veuille quitter son pays: soit il y risque sa vie, c’est le cas des réfugiés syriens par exemple, soit il n’a aucune perspective d’emploi.

Concernant les guerres, la Suisse est très active pour encourager les parties en conflit à dialoguer et les amener sur le chemin de la paix. On doit continuer activement ce travail car sans le retour au calme, les réfugiés de guerre ne retourneront pas dans leur pays.

En ce qui concerne les réfugiés économiques

Ceux qu’on appelle les «réfugiés économiques» n’ont quant à eux rien à perdre en prenant le chemin de l’exil: n’ayant aucune perspective dans leur pays, ils préfèrent mourir en mer plutôt que de vivre dans l’humiliation de ne pas pouvoir subvenir à leur famille chez eux. Une mère sénégalaise a dit à son fils qu’elle préférait qu’il meure en essayant de trouver un travail plutôt qu’il reste dans un pays sans avenir.

La pression sur ces jeunes est énorme. Lorsqu’un Européen subit une humiliation, il choisit malheureusement bien souvent la voie du suicide, un Africain ne peut pas le faire. Sa manière à lui de se suicider, c’est de se lancer dans un voyage dont il connaît très bien les risques, mais pour lui le choix n’existe plus.

A-t-on vu un Suisse risquer sa vie pour trouver du travail?

Je n’ai jamais vu un Suisse risquer sa vie pour trouver un travail, et pourtant c’est ce que font des milliers de migrants chaque jour! S’ils avaient le choix, la très grande majorité préférerait travailler dans leur pays d’origine. D’ici à 2050, il faudra prévoir près d’un milliard d’emplois pour l’Afrique.

Si on ne s’active pas rapidement dans la création d’activités génératrices de revenus, la crise actuelle ne sera qu’un aperçu de ce qui nous attend. Imaginez le Nigeria avec plus de 180 millions d’habitants et une moyenne d’âge de 18 ans, que pensez-vous que cette jeunesse va faire si elle ne trouve pas de travail dans son pays?

Une politique d’asile restrictive mais humaniste

A l’évidence, la solution ne peut pas consister à les accueillir tous chez nous. Plus on donnera la possibilité à certains migrants économiques de s’installer et de générer des revenus, et plus cela va encourager d’autres migrants à risquer leur vie pour venir en Europe. De plus, il serait simplement impossible à l’Europe d’absorber toute cette main-d’œuvre. Dès lors, je suis favorable à une politique de l’asile restrictive mais humaniste.

Une des solutions passe par l’agriculture

Alors que faire? La majorité des habitants de l’Afrique sont des paysans. Pour pouvoir cultiver la terre, ils ont besoin d’eau, de semences et d’une formation. La coopération suisse et de nombreuses ONG font déjà un travail important concernant l’amélioration des méthodes culturales ainsi que l’accès à l’eau. Mais il existe peu de projets concernant l’accès aux semences.

Les paysans africains ne demandent pas l’aumône mais ils ont besoin d’argent pour pouvoir acheter des semences, sachant qu’ils vont rembourser ces prêts lors de la récolte. Nous devons créer un fonds permettant à des coopératives de paysans d’investir pour acheter leurs semences. Je ne parle pas de microcrédits, dont les taux d’intérêt peuvent dépasser les 30%, mais d’un fonds à taux d’intérêt zéro.

Le travail, une question de dignité

Où trouver l’argent nécessaire? La communauté internationale vient de débloquer des millions d’euros pour tenter de stopper les migrants au niveau du Niger, par exemple. L’augmentation des barrages routiers qui en découle n’empêche en rien les migrants de passer. Cela leur coûte simplement plus cher à cause de la corruption de la police. Et une fois que les migrants sont arrêtés en Libye ou en Algérie, on les met dans des camions à bestiaux et on les ramène au Niger.

La superficie du Niger représente plus de 30 fois celle de la Suisse, il est dès lors impossible de surveiller un tel territoire. Pensez-vous sérieusement que cette stratégie empêche quiconque d’atteindre les côtes de Libye? Au Sénégal, on met des affiches pour expliquer aux migrants qu’ils risquent leur vie, mais ça, ils le savent déjà. Tout cet argent serait bien mieux investi dans une politique cohérente et active dans la création d’activités génératrices de revenus.

Il faut aussi que certains, comme l’Union européenne, arrêtent de déverser des produits agricoles subventionnés qui détruisent le tissu de production local. Avoir un travail, c’est avant tout une question de dignité. Les Africains ne manquent pas d’idées, mais bien souvent, il leur manque juste un petit coup de pouce pour démarrer.

Choisir l’aide sur place

On ne peut pas d’un côté refuser les réfugiés et de l’autre couper dans la coopération au développement, c’est une attitude schizophrène et pas digne de responsables politiques. J’ai choisi l’aide sur place, car tout bon libéral sait que la richesse n’est profitable que si chacun peut vivre dignement!

Dr Isabelle Chevalley, conseillère nationale vert’libérale.

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