Pourquoi il faut suspendre l'aide au Hamas

Par Pierre Lellouche, Député et conseiller (UMP) de Paris, président de l'Assemblée parlementaire de l'Otan. Dernier ouvrage : Illusions gauloises, Plaidoyer pour une France debout (LE FIGARO, 27/02/06):

Un mois, presque jour pour jour, après la victoire écrasante du Hamas aux élections législatives palestiniennes, la communauté internationale est au pied du mur. Faut-il, comme le soutient Vladimir Poutine, prendre acte de la décision souveraine du peuple palestinien et recevoir, sans conditions, comme il vient de le faire à Moscou, les représentants du Hamas et faire comme si de rien n'était ? Ce qui implique, bien entendu, de ne prendre aucune sanction économique qui reviendrait à «punir» le peuple palestinien, en comptant sur le temps pour calmer progressivement le zèle des plus extrémistes.

Ou bien, faut-il, au contraire, comme le soutiennent aussi bien les Américains que les Européens, insister pour que le gouvernement à dominante Hamas issu des élections du 25 janvier reconnaisse Israël, renonce au terrorisme, amende sa charte, bref qu'il s'inscrive clairement dans la «feuille de route» et le processus de paix ? Et, dans ce cas, la menace de suspension de l'aide économique apportée par le premier bailleur de fonds de la Palestine, c'est-à-dire l'Union européenne, jouerait un rôle fondamental.

A l'heure où les ministres des Affaires étrangères des vingt-Cinq sont réunis pour trancher cette question, il n'est pas inutile de rappeler un certain nombre de faits.

1/ Le raz de marée du Hamas est bien davantage le résultat de l'incurie et de la corruption avérée du Fatah de Yasser Arafat que du basculement de l'immense majorité des Palestiniens dans le camp de l'intégrisme radical. Outre les souffrances de l'occupation, la tragédie du peuple palestinien est d'avoir eu à sa tête pendant des décennies un chef de guerre et non un Mandela. En l'absence d'alternative démocratique, l'alternance électorale a donc joué en faveur d'un mouvement islamiste qui, lui, était omniprésent dans les couches les plus défavorisées de la population. On retrouve alors en Palestine le même syndrome que celui qui vit la victoire du FIS en Algérie ou de Khomeyni en Iran.

2/ Le problème, c'est que les vainqueurs se situent délibérément en dehors du processus de négociations et que le Hamas est bel et bien une organisation terroriste, reconnue comme telle par l'Union européenne depuis septembre 2003 et, à ce titre, combattue par tous les services chargés de la lutte antiterroriste.

La lecture de la charte du Hamas, document constitutif du Mouvement de la résistance islamique, est en effet édifiante : l'«idéologie» de cette branche palestinienne des Frères musulmans s'articule autour de l'islam radical, à laquelle juifs et chrétiens, qui seraient et professeraient une doivent être soumis.

L'objectif du Hamas, toujours selon la charte, n'est rien de moins que la destruction définitive de l'Etat d'Israël «pour que la bannière de l'islam flotte sur chaque pouce de la Palestine» (article 6). S'agissant du moyen de réaliser cet objectif, il tient en un mot, le djihad : «Allah est son but, le Prophète son modèle, le djihad sa route et la mort pour la cause d'Allah son plus haut souhait» (article 8º). Il s'agit là d'un devoir qui s'impose à tous : «Je jure que je veux envahir et être tué pour Allah, et encore envahir et être tué...» (article 15). L'enthousiasme de ces assassins doit être entendu littéralement : le Hamas est responsable de pas moins d'une cinquantaine d'attentats suicides ces cinq dernières années, qui ont causé à ce jour la mort de 427 personnes et fait 2 427 blessés, victimes trop souvent oubliées du terro risme.

3/ Aujourd'hui, l'Union européenne est le premier bailleur de fonds de l'Autorité palestinienne. Ensemble, les Etats membres et la Commission ont aidé celle-ci, année après année, à hauteur d'environ 500 millions d'euros. L'aide de la Commission européenne représente à elle seule près de 280 millions d'euros en 2005, dont une bonne moitié d'aide humanitaire et de projets d'infrastructure, mais aussi 70 millions d'euros versés directement sur un compte spécial administré – dans des conditions d'ailleurs quelque peu opaques – par la Banque mondiale et servant au financement des dépenses «de fonctionnement» de l'Autorité palestinienne.

Que faire alors ?

La France peut et doit aider l'Europe à prendre ses responsabilités. Et je dois saluer ici la fermeté des propos tenus par le premier ministre le 20 février lors du dîner du Crif, qui sont au demeurant dans la droite ligne de l'attitude sans concessions des autorités françaises engagées dans la lutte contre le terrorisme. C'est pourquoi j'ai pris l'initiative d'une résolution parlementaire demandant la suspension de l'aide financière de l'Union européenne à l'Autorité palestinienne tant que le Hamas ne renoncerait pas à la violence et ne reconnaîtrait pas le droit à l'existence d'Israël.

Plusieurs raisons militent en ce sens :

1/ La vraie «punition», pour le peuple palestinien, serait de le maintenir dans la guerre et le terrorisme, ce qu'implique l'idéologie actuelle du Hamas.

2/ Nous avons nous-mêmes toujours été les premiers avocats de la «feuille de route» : mais ceci suppose le dialogue, la reconnaissance mutuelle, la confiance et le respect des accords conclus, c'est-à-dire tout le contraire, en vérité, de la simple trêve tactique (la «hudna») que le Hamas se dit prêt à envisager.

3/ La France demeure profondément attachée à l'existence et à la sécurité d'Israël. Elle l'a réaffirmé solennellement : il convient désormais de traduire ces paroles en actes.

4/ Enfin, il y va de la cohérence et de la crédibilité de la lutte que nous menons ici contre le terrorisme : en tant qu'élu du peuple, j'aurais pour ma part du mal à justifier devant mes concitoyens que l'argent du contribuable français serve à soutenir le terrorisme et ceux qui vont se faire exploser dans les autobus.