Pourquoi l’ONU exclut-elle 23 millions de Taïwanais?

Manifestation à Taipei contre l’exclusion de Taïwan de l’assemblée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en mai dernier à Genève. Taïwan, 21 mai 2017. © TYRONE SIU
Manifestation à Taipei contre l’exclusion de Taïwan de l’assemblée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en mai dernier à Genève. Taïwan, 21 mai 2017. © TYRONE SIU

L’ONU a été créée pour les êtres humains, mais l’universalité des droits de l’homme proclamée par les Nations unies ne s’applique pas à Taïwan et à ses 23 millions d’habitants. Ce mauvais traitement date de 1971, date à laquelle notre gouvernement a perdu sa représentation dans cette organisation internationale. Et au cours des décennies qui ont suivi, Taïwan a dû faire face à l’isolement et à un certain nombre de défis à cause de sa situation internationale. Pourtant, cette adversité nous a stimulés, et nous n’avons jamais abandonné.

Au cours de mes voyages à travers le monde pour remplir ma tâche de ministre des Affaires étrangères, j’ai toujours été émerveillé de constater à quel point l’expérience de Taïwan dans des domaines comme la protection de l’environnement, la santé publique et la médecine, l’agriculture, l’éducation et les technologies de l’information et de la communication avait aidé nos partenaires à se développer et à croître.

Malgré les efforts de Taïwan, malgré le besoin d’universalité et malgré son engagement répété de ne laisser personne sur le côté, l’ONU semble se satisfaire de mettre sur la touche les 23 millions d’habitants de Taïwan. En mai de cette année, Taïwan s’est vu refuser l’entrée à la 70e Assemblée mondiale de la santé, bien qu’il y ait participé en tant qu’observateur de manière consécutive au cours des huit années précédentes. Rejeter ainsi Taïwan – qui a consacré plus de 6 milliards de dollars à l’aide humanitaire et médicale dans le monde depuis 1996 – est contraire au bon sens et génère un manquement dans les actions de l’OMS, comme celui qui a coûté des vies lors de l’épidémie de SRAS en 2003.

La fermeture de Genève

Mais ce traitement injuste ne découragera jamais Taïwan de remplir ses obligations vis-à-vis de sa population ou de la communauté internationale. 18e puissance commerciale et 11e économie la plus libre du monde, Taïwan a modifié ses lois et règlements conformément aux conventions des Nations unies sur les droits de l’homme et, en matière de démocratie, Taïwan en a fait autant que n’importe quel autre pays pour faire avancer l’égalité. Les Taïwanais ont élu en 2016 la première femme présidente de leur pays et 38% de leurs législateurs sont des femmes. Taïwan est aussi le berceau d’une société civile pleine de vitalité, dont les associations civiques sont en contact avec le monde entier.

Les détenteurs de passeports de la République de Chine jouissent de facilités ou d’une exemption totale de visa pour voyager dans 165 pays ou territoires, ce qui montre bien la considération que reçoivent les touristes, les hommes d’affaires ou les universitaires de Taïwan dans le monde. Et pourtant, ils ne peuvent pas mettre un pied dans le quartier général de l’ONU.

Depuis des années, des représentants de nombreuses ONG de Taïwan impliquées dans la question des aborigènes, du travail, de l’environnement ou des droits des femmes n’ont pu assister à des réunions ou conférences qui se tenaient au siège des Nations unies à New York ou au Palais des Nations à Genève uniquement parce qu’ils venaient de Taïwan. De la même manière, les journalistes taïwanais ne sont pas autorisés à couvrir eux-mêmes les réunions de l’ONU, ce qui est un outrage pour la presse internationale.

Usage abusif de la résolution 2758

Ces mesures discriminatoires mises en place par les bureaucrates de l’ONU – avec pour cible spécifique la population de Taïwan – sont improprement justifiées par l’évocation et l’usage abusif de la résolution 2758 (XXVI) de l’Assemblée générale datant de 1971. Il importe de rappeler que, tout en installant la République populaire de Chine (RPC) à l’ONU, cette résolution ne parle pas de la question de la représentation à cette organisation de Taïwan et de sa population, et donne encore moins de droit à la RPC de représenter les Taïwanais.

Il faut insister ici sur une réalité politique: la République populaire de Chine n’exerce aucune juridiction sur Taïwan et n’en a jamais exercé aucune. Comme l’exclusion des Taïwanais de l’ONU mentionnée ci-dessus le montre, la RPC a une bien plus grande influence sur l’ONU que sur Taïwan.

Le gouvernement et la population de Taïwan croient fermement que leur engagement, notamment quand l’ONU appelle à une mise en place universelle des Objectifs de développement durable, bénéficie à tous. Et d’un autre côté, l’absence de Taïwan ne peut que limiter l’efficacité de cet effort global. Taïwan peut faire beaucoup pour aider le monde à construire un futur plus durable. La population de Taïwan a besoin que la communauté internationale soutienne son aspiration et son droit à un traitement juste de la part de l’ONU. Cessez de nous fermer la porte.

David Tawei Lee, Ministre des Affaires étrangères de la République de Chine (Taïwan).

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