Proche-Orient : briser le silence pour permettre une paix durable

Le 21 novembre 2012, une trêve était conclue entre le Hamas et Israël, mettant fin à une escalade de violences à Gaza ayant couté la vie à 155 Palestiniens et 5 Israéliens, entre frappes aériennes et tirs de roquettes. En juillet dernier, après trois ans d’interruption, le processus de paix au Proche-Orient a été officiellement relancé sous l’impulsion de John Kerry et sous l’égide des Etats Unis. En dépit de ces développements diplomatiques encourageants, l’espoir s’essouffle sur le terrain.

… deux en arrière

Au-delà des difficultés politico-diplomatiques, les négociations israélo-palestiniennes sont aujourd’hui confrontées à une situation sur le terrain des plus tendues. Les mises en chantier dans les colonies ont augmenté de près de 70% durant le premier semestre 2013 par rapport aux 6 premiers mois de l’année précédente, le gouvernement israélien lançant, encore une fois, un nouvel appel d’offres pour la construction de près de 2 000 logements supplémentaires en Cisjordanie et à Jérusalem-Est le 3 novembre dernier. Dans le même temps, nous assistons à une multiplication des démolitions en zone C (partie du territoire palestinien entièrement sous contrôle israélien), dont une centaine au seul mois de septembre; 60% des ordres de démolition frappent les communautés palestiniennes proches des colonies, alors que les autorités israéliennes refusent quasi-systématiquement de délivrer des permis de construire aux populations palestiniennes. Par exemple, en septembre dernier, à Makhul dans la vallée du Jourdain, dix familles palestiniennes ont ainsi vu leur village réduit à un amas de débris par l’armée israélienne en l’espace de trois heures.

Un an après le cessez-le-feu, le bilan à Gaza est également alarmant. Alors qu’une amélioration avait été esquissée par un léger élargissement des zones de pêche palestinienne, avec une augmentation de 3 à 6 miles nautiques – les accords d’Oslo en prévoyant 20, et un timide progrès dans l’accessibilité aux terres proches du périmètre de séparation, les conditions de vie des Gazaouis laissent peu de doute sur l’urgence de la situation. 57% des ménages connaissent une insécurité alimentaire. Alors que la saison des sardines devrait battre son plein à Gaza, Issa’ par exemple, cinquième génération de pécheurs gazaouis, est inquiet de ne pouvoir subvenir aux besoins de sa famille cette année à cause de la confiscation des zones de pêche par les autorités israéliennes. Il se souvient, nostalgique, du temps où son activité lui permettait «le luxe» de payer le mariage de son fils ou une extension de sa maison. 80% de l’ensemble de la population de la bande de Gaza est en effet dépendante de l’aide humanitaire. Les Gazaouis font face à des défis grandissants au quotidien avec, d’un coté, la fermeture continue du principal point de passage vers le monde extérieur à la frontière égyptienne, Rafah, et le blocus israélien de l’autre. Basel, étudiant à l’Université MSA du Caire, se voit ainsi contraint d’attendre, impuissant, une hypothétique ouverture du poste frontière pour retourner à l’université. Le chômage chez les jeunes explose à Gaza aujourd’hui, avec un taux aux alentours de 50%.

Au-delà de marquer le pas

Alors que François Hollande se rend en Israël et en Territoires palestiniens occupés pour la première fois depuis son élection en mai 2012, l’heure est venue pour la France de faire plus que marquer le pas.

Une réelle fenêtre d’opportunité se présente aujourd’hui. Longtemps simple spectateur – malgré sa contribution significative en termes humanitaires, de développement et économiques – l’Union européenne est enfin devenue un acteur de premier plan du processus politique en adoptant en juillet dernier de nouvelles directives excluant les colonies israéliennes des programmes de financements européens, mettant enfin sa pratique en conformité avec ses déclarations. Il s’agit d’un levier majeur pour que l’Union Européenne et ses Etats membres contribuent à une résolution juste et durable du conflit : François Hollande doit confirmer la volonté de la France de la mise en œuvre pleine et entière de cette directive dès le 1er janvier prochain, tant au niveau européen que français.

Avec une politique jusqu’à présent exemplaire en matière d’accompagnements de convois humanitaires en zone C par des diplomates français, qui se doit d’être réaffirmée et poursuivie, la France est sur la bonne voie. Sur Gaza, la France ne doit pas renoncer à voir l’Union Européenne jouer un rôle majeur pour accompagner la levée du blocus. Le respect des droits de l’Homme et du droit international est déterminant afin d’œuvrer vers une solution juste et durable pour l’ensemble des parties prenantes, un message clé à envoyer aux acteurs aussi bien israéliens que palestiniens alors que la France se déplace sur le terrain.

Luc Lampriére, directeur général d’Oxfam France et Philippe Lévêque, directeur général de CARE France.

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