Protéger les générations futures des menaces nucléaires et climatiques

Visite de la centrale nucléaire de Daiichi par les inspecteurs de l'AIEA. Fukushima, mai 2011. © TEPCO HANDOUT/EPA
Visite de la centrale nucléaire de Daiichi par les inspecteurs de l'AIEA. Fukushima, mai 2011. © TEPCO HANDOUT/EPA

L’accroissement des tensions nucléaires pose de graves problèmes juridiques. Les Etats-Unis peuvent-ils violer le traité nucléaire avec l’Iran? Quelle est la base légale des projets américains de développer l’arsenal nucléaire, alors que le traité de non-prolifération oblige à réduire et finalement à éliminer ces armes?

Un dilemme plus important se profile au sujet de la production et des essais des armes atomiques, ainsi que des menaces de les utiliser. Quelles seront les répercussions sur les droits humains des générations futures? Les mêmes questions se posent à propos du nucléaire civil, avec ses déchets hautement radioactifs, et de la déstabilisation du climat.

De tels crimes contre le futur peuvent-ils être considérés comme légaux? Comment respecter les droits des générations futures dans de telles circonstances? Trois symposiums internationaux, à Bâle, à Caen et à Prague, ont récemment abordé ces questions. La conférence de Bâle a produit une Déclaration sur les droits de l’homme et les crimes transgénérationnels résultant de l’usage militaire et civil de l’atome.

Tchernobyl et Fukushima

Protéger les générations futures était déjà une considération importante lorsque en 1996 la Cour internationale de justice déclara que la menace et l’usage d’armes atomiques étaient illégaux, vu l’impact durable et sans discrimination. Malgré la décision de la cour, la plupart des Etats nucléaires maintiennent une politique (illégale) de dissuasion nucléaire, avec l’option d’une première frappe préventive.

Les lois en vigueur ne permettent pas d’assurer la protection des générations futures. Ces insuffisances ne sont pas acceptables. Quelque 2000 bombes atomiques ont explosé depuis 1945, libérant des millions de curies de radiation: les effets sur la santé humaine persisteront pendant des générations. La plupart des victimes vivent dans des régions reculées du Pacifique, les steppes du Kazakhstan, le Sahara. Elles sont oubliées.

Quelques efforts ont été faits. Ainsi le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires de 2017 exige que les victimes des essais atomiques soient assistées et que l’environnement soit rétabli. Mais ces dispositions ne sont pas applicables vu qu’aucun Etat en possession de l'arme nucléaire n’a signé le traité. Les centrales nucléaires menacent aussi la santé humaine. L’explosion de Tchernobyl a sévèrement contaminé la région et le continent européen. A Fukushima, de grandes quantités d’eau radioactive continuent de s’écouler dans le Pacifique. Certains isotopes ont des demi-vies de milliers d’années.

Ethique de l’anthropocène

Tout comme le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PDESC) affirme un droit à la santé, applicable en cas de contamination nucléaire. En pratique, ce droit n’est pas respecté. Ainsi le Japon, qui a ratifié le pacte et inscrit dans sa Constitution le principe du droit transgénérationnel, empêche les médias d’informer sur ce qui se passe à Fukushima et freine la recherche médicale. Le gouvernement japonais soutient que les faibles doses de radiation sont inoffensives, ce qui est indéfendable. L’exposition aux radiations peut provoquer des mutations qui se manifesteront après des générations. Dans sa gestion de Fukushima, le Japon ne respecte pas sa propre Constitution ni le PDESC.

Ne pas combattre effacement les changements climatiques est aussi un crime contre le futur. Les chances d’atteindre le but fixé à Paris, limiter le réchauffement à 2°C, s’éloignent depuis le retrait des Etats-Unis. Deux ans après l’Accord de Paris, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter.

Peut-on considérer tout cela comme étant légal? Plus pour longtemps. Avec l’âge nucléaire, l’homme a acquis un pouvoir sans précédent sur la nature et toute forme de vie. De nombreux experts estiment qu’à l’ère de l’anthropocène de nouveaux codes éthiques sont nécessaires, en médecine comme en droit. Les effets transgénérationnels des catastrophes nucléaires et climatiques requièrent un changement de paradigme pour penser le futur. Il reste un long chemin à parcourir afin d’adapter le cadre légal actuel aux réalités des menaces nucléaires et climatiques.

Andreas Nidecker, professeur émérite de radiologie, Université de Bâle; membre d'International Physicians for the Prevention of Nuclear War Emilie Gaillard; maître de conférences en droit, Université de Caen. Original anglais, version française abrégée Jacques Moser.

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