Quand Panama porte le chapeau

Si j’ai bien compris, au Panama, il n’y a pas que les chapeaux qui sont en paille. Le scandale révélé par une flopée de journaux pose quand même quelques questions. Que des pratiques soient légales ou illégales fait une différence, même Jean-Marie Le Pen ne prétendrait pas que c’est un point de détail de l’histoire de l’optimisation fiscale. Si on nous disait «que cette information soit vraie ou fausse, elle est considérable», on aurait une réserve sur l’alternative incluse dans la prémisse. Que Bachar al-Assad fasse des choses illégales n’est pas un scoop extraordinaire : à ce qu’on voit, le dictateur a commis des choses encore pires que révérer l’amitié et la famille. Que le roi du Maroc soit riche, ça ne le différencie guère des autres monarques en activité. Aucun peuple ne s’attend à ce que son souverain vive dans une cahute au coin de deux rues mal famées (et on n’a pas l’impression que le commandeur des justiciables soit persécuté par le fisc de son propre pays). Quant à Isabelle et Patrick Balkany et Jérôme Cahuzac, ça va peut-être porter un coup à ceux qui les défendent mordicus en vantant leur désintéressement mais bon, ceux-là étaient déjà minoritaires. Le scandale montre en tout cas que les hommes d’affaires, eux non plus, n’ont pas toute confiance en leurs banques, puisqu’ils préfèrent passer par des montages élaborés pour préserver le secret de leurs transactions, ces mêmes banques qui, pourtant, si souvent, ont fait preuve de la meilleure volonté pour les aider à se cacher d’elles. En ce qui concerne les proches du Front national, ça veut dire que le parti aura plus de mal à se vanter d’être propre (ou blanc blanc blanc). De ce point de vue, peut-être devient-il un parti comme les autres, ce qui, après tout, est ce qu’il aspire à être.

Les lois fiscales sont mal faites si elles sont censées interdire à quiconque d’être richissime (la possibilité même que toutes les pratiques décrites puissent être légales en dit déjà long). Bill Gates n’est pas cité dans les Panama Papers mais, même sans être puritain, les dizaines de milliards de sa fortune, même honnêtes, ont un caractère obscène. Il faut cependant se mettre à la place des immensément riches. Pourquoi ne pas donner de l’argent aux impôts ? Parce que ça leur ferait mal au cœur. Et puis tout le monde a le droit d’être pudique. Il y a des opérations qui mettraient mal à l’aise le commun des contribuables si elles leur apparaissaient sans explications. Les milliardaires doivent penser que, s’il ne s’agit que de payer la scolarité de leurs enfants avec leurs impôts, ils contribuent bien au-dessus du nécessaire. La solidarité, ils en font déjà les frais.

Si, maintenant, on ne peut plus truander le fisc, ça ne va pas inverser la courbe du chômage. Soyons sûrs que c’est pour le bien de tous, pour mettre un peu d’huile dans les rouages, que les multinationales ajoutent une nationalité à leur activité en se mêlant de sociétés offshore au Panama ou aux îles Caïman. Elles nous le feront payer si elles font moins de bénéfices. D’un autre côté, si ces pratiques sont légales, ce serait une excellente nouvelle pour tous les contribuables, un vrai acquis de la démocratie, l’optimisation fiscale low-cost, un paradis fiscal pour tous. Mais, si j’ai bien compris, on ne peut pourtant pas exclure que le premier pékin venu se révèle moins doué dans ces pratiques que les plus coûteux cabinets d’avocats spécialisés.

Mathieu Lindon

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