Quand Tsipras l’imposteur révèle son vrai visage

Alexis Tsipras et son parti Syriza ont montré leur vrai visage: celui d’un groupe de rupture, antisystème, anticapitaliste, et pour finir anti-européen, dont le modèle, s’il existe, doit être recherché du côté du Venezuela de feu Hugo Chavez. Un national-populisme avec comme moteur, en lieu et place de la dénonciation du diable américain, une intense propagande ­anti-allemande faisant de la seule Angela Merkel la responsable de tous les maux de la Grèce. On comprend mieux désormais pourquoi, en quête d’un allié au lendemain des élections législatives qui l’ont porté au pouvoir, alors que des petits partis pro-européens étaient disponibles, Alexis Tsipras avait choisi «les Grecs indépendants», c’est-à-dire un mouvement authentiquement d’extrême droite, antisémite et ­anti-européen.

La proposition de loi, par ailleurs juridiquement discutable, votée à la hâte pour organiser le référendum pour ou contre un accord avec l’Eurogroupe a été approuvée par trois partis: Syriza, les Grecs indépendants et… Aube dorée, mouvement néonazi.

Dans une première phase de la discussion avec les créanciers de la Grèce, le gouvernement d’Athènes avait paru s’installer dans une partie de poker menteur dont on pensait qu’elle ne durerait pas. Le chantage était le suivant: nous sommes un Lehman Brothers new look (cette banque d’affaires dont la faillite avait précipité la crise financière internationale en 2008), donc les Européens ne pourront pas, in fine, ne pas accepter d’effacer tout ou partie de notre dette. Pour l’obtenir, il nous suffira de faire quelques pas dans leur direction. Ce scénario avait paru se dessiner à l’approche d’une première date butoir, pour un remboursement au FMI le 30 juin. Puis, alors que tout le monde semblait convaincu de la possibilité d’un accord, Alexis Tsipras a levé le voile. Il organise un référendum pour ou contre un texte qui en fait n’existe pas puisqu’il n’a pas voulu d’un accord.

En outre, les propositions sur lesquelles il veut faire voter ne sont pas celles de la Commission ni celles des autres membres de l’Eurozone. Jean-Claude Juncker l’a expliqué: les propositions mises en avant dans le référendum ne sont pas celles qui ont été discutées à Bruxelles dans la dernière ligne droite. Exemple, Tsipras assure que l’Eurozone veut une fois de plus réduire les pensions de retraités alors qu’il s’agit en fait, pour que le système puisse perdurer, de repousser, comme partout ailleurs, l’âge de la retraite (aujourd’hui, l’âge de départ à la retraite à taux plein est de 60 ans).

Deux arguments sont généralement énoncés en faveur de l’attitude grecque, outre bien sûr l’attrait idéologique de Syriza aussi bien auprès de l’extrême gauche que de l’extrême droite. En premier lieu, la dénonciation de l’austérité imposée de l’extérieur comme principale cause de la crise. En second lieu, la justification démocratique de l’appel au peuple par la voie du référendum.

Il faut rappeler que la crise grecque est avant tout la conséquence des dérives d’un système à bout de souffle dont on sait qu’il est très largement corrompu et clientéliste. Et sans que jamais les deux grandes «institutions» que sont les armateurs et l’Eglise orthodoxe ne soient mises à contribution. Comme l’a confié récemment une ancienne ministre grecque de l’Education: «j’ai officiellement fermé 500 classes… dont 300 étaient fictives et destinées uniquement à justifier des subventions européennes».

Avant la crise, la Grèce affichait des déficits abyssaux de 15% du PIB de la balance des paiements et de 15% du PIB de déficit budgétaire. L’austérité qui a suivi a en effet été très sévère, trop sans doute, et aurait gagné à être assortie d’un abandon d’une partie des créances car chacun sait la dette grecque insoutenable. Mais les propositions que la nouvelle Commission européenne fait connaître en toute transparence sont désormais a minima et appuyées par une attitude globalement bienveillante des chefs d’Etat et de gouvernement.

Quant à l’appel au peuple validé par François Hollande qui considère un peu vite que «c’est la démocratie», il est plutôt l’aveu de faiblesse d’un gouvernement incapable de décider autrement qu’à travers son carcan idéologique. C’est aussi un déni de la démocratie représentative: élu pour gouverner, Alexis Tsipras a conduit son pays dans l’impasse. Il prend en otage le peuple grec par un processus plébiscitaire qui condamne à une réponse univoque à une question posée sur un texte détourné. Incapable de négocier sérieusement avec ses créanciers, le pouvoir grec engage une fuite en avant que seul pourrait peut-être interrompre un vote pro-européen d’une majorité du peuple grec. Gageons que tout sera entrepris par Alexis Tsipras et ses amis pour qu’il n’en soit rien.

Alors que la situation donnait à la fin de 2014, avant les élections législatives, des signes d’amélioration (avec un retour de la croissance pour la première fois depuis sept ans), voici que l’économie grecque est de nouveau à l’arrêt. Les entreprises ne payent plus leurs fournisseurs, l’Etat non plus, et les banques sont au bord du dépôt de bilan. Quant à la plupart des ménages grecs, ils ne remboursent plus leurs crédits immobiliers puisque Syriza a annoncé qu’il empêcherait les saisies.

Dans ce contexte, la tâche des dirigeants européens est particulièrement difficile. Ils ne peuvent pas abandonner les Grecs à leur triste gouvernement. Ils méritent mieux que Tsipras et ses alliés. Comme ils n’avaient pas hier mérité les colonels.

Jean-Marie Colombani est un journaliste et essayiste français Il a été président du directoire du journal Le Monde et directeur du journal Le Monde de 1994 à 2007.

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