Quand une mafia invoque Dieu pour justifier ses crimes

Il y a quelques jours, à Copenhague, un jeune homme a mené une action de guerre. Sa mission consistait à tuer un dessinateur humoristique suédois désigné comme « cible » par l’Etat Islamique. Il n’est parvenu qu’à supprimer un homme lui barrant la route. Un peu plus tard, il en assassinait un autre devant une synagogue. En janvier, à Paris, des missions semblables ont, hélas !, mieux réussi.

Il ne s’agit pas, comme on l’a vu dans le passé, d’« attentats terroristes » visant à semer une peur diffuse dans la population et à faire plier des gouvernements sur leur politique étrangère. On dirait plutôt des missions de représailles, pareilles à celles que les chefs du grand banditisme confient à des tueurs : l’exécution d’un contrat quand un clan décide d’en punir un autre afin de « faire un exemple ».

Conquérir une légitimité

Le seul mot clair prononcé par les deux tueurs de Charlie Hebdo a été celui de « vengeance ». Et la seule instance invoquée : « Al-Qaida au Yémen », soit l’une de ces organisations claniques qui, dans les pays du Golfe et ceux entourant la mer Rouge, se partagent un territoire – on pourrait dire un marché –, où se rencontrent intérêts politiques, militaires et financiers sous une vague invocation du sacré. Ce sacré est le précieux territoire que se disputent ces mafias dans le but de conquérir une légitimité prestigieuse. Accrocher à son tableau de chasse un impie est une éclatante démonstration de puissance.

Des dessinateurs humoristiques et des juifs, impies par essence : les premiers parce que, riant de tout ce qui est sacré, ils se sont moqués de l’image du Prophète, les seconds parce qu’ils sont simplement juifs. Dans les deux cas, une raison suffisante pour les tuer et tirer gloire de leur exécution.

Le 19arrondissement parisien n’est pas un « ghetto », comme certains ont pu l’écrire ou le sous-entendre sans rire. Un garçon qui passe un BEP d’installateur hi-fi n’est pas un asocial ou un marginal, un employé de la voirie à la Mairie de Paris n’a rien d’un exclu. Mais traîner une vie obscure et sans éclat quand on a des rêves démesurés de gloire peut vous rendre sensible à certaines voix : obéir aux lois et payer ses impôts, c’est bon pour les minables ; quand on est malin, on peut avoir vite de l’argent, vivre dans l’honneur et devenir quelqu’un de craint et de respecté, avec des armes.

Copain baratineur

La suite est connue : le copain baratineur vous a mis sur un plan foireux, alors on se fait prendre et on se retrouve en taule. On tombe sur un autre genre de baratineur avec de puissants soutiens, qui vous explique comment avoir de l’argent et, une fois sorti, devenir un héros et mener une vie de pieux guerrier.

Où est l’affrontement de l’islam et de la laïcité là-dedans ? Ces types sont des mégalomanes impardonnables manipulés par des recruteurs de groupes mafieux travestis en pieux combattants. Ils dissimulent leurs desseins criminels sous de grands discours fumeux où il est question de morale, de justice, de sacré et de vengeance. Alors qu’il s’agit juste d’un mépris de la vie humaine et du désir de mener une vie grandiose et héroïque.

C’est le discours que tiennent toutes les mafias du monde, comme les livres de Roberto Saviano le rappellent. Appelons les choses par leur nom : Paris et Copenhague ont été le théâtre de crimes mafieux d’un genre peu connu chez nous. Perpétrés par une mafia internationale qui, pour accélérer sa mainmise sur les trafics d’ici bas, invoque ses droits sur l’au-delà.

Michka Assayas, Ecrivain, lauréat du prix Reporters d’espoir 2014.

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