Quel déclin de la lecture?

Quel déclin de la lecture?

Nous sommes ici en pleine actualité, avec la très fâcheuse disparition de «L’Hebdo» et les inquiétantes menaces sur d’autres organes de presse.

On ne peut que regretter très vivement ce qui se passe. C’est indiscutablement assez désastreux pour la diversité de l’expression démocratique.

Cela clairement dit, on a un peu l’impression qu’il s’agit d’un phénomène assez récent. Il n’en est rien. Quelques chiffres sont extrêmement parlants, on ne les a pas beaucoup produits, les voici, avec pour tous, en deuxième partie, les chiffres de 2016:

• Le «Bild Zeitung» vendait 4,3 millions d’exemplaires en 1988. La descente est continue jusqu’à l’an passé pour atteindre 1,7 million.

• Le «Blick» tombe de 382 275 en 1987 à 143 499.

• «Le Matin Dimanche» chute de 226 465 en 1998 à 112 886.

• «L’Hebdo» se vendait à 59 946 en 1995 pour 33 707.

De leur côté, par exemple, «The Sun», le «Daily Mail», «Libération», à peine plus de 80 000 exemplaires, sont à la peine. Malgré de nombreux rachats de titres par des potentats financiers comme Patrick Drahi ou pour «Le Monde» Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé, des titres ont disparu. Cela a débuté il y a déjà bien longtemps par la presse d’opinion ou de parti. Le fameux organe du Parti communiste français, «L’Humanité», n’est plus que l’ombre de lui-même puisqu’il a passé d’un quotidien à un hebdomadaire de 35 000 exemplaires. Et surtout, très gros problème, la publicité a grandement chuté dans la presse en général.

Enquête américaine

Que se passe-t-il donc? Une enquête de Credit-Cross-Media nous en dit beaucoup plus. Une étude américaine montre que l’attention soutenue, la faculté de se concentrer passe de 12 minutes en 1998 à 5 minutes en 2016. Si certains ne lisent pas plus de livres, c’est parce «qu’ils pensent n’avoir pas le temps» ou tout simplement pour se consacrer à d’autres loisirs. Les ménages sont toujours plus envahis par des écrans.

Les jeux vidéo et la musique phagocytent plus ou moins les prétendus biens culturels. Pour le livre, il y a une toujours plus forte concentration sur les best-sellers (comme «Harry Potter», «Astérix», etc.). Bien évidemment, certains domaines comme les dictionnaires ou les guides déclinent au profit des sites ou des applications. La lecture des œuvres classiques, gratuites, progresse fortement sur les livres électroniques.

Bonnes surprises en France

Il y a certes l’apparition des journaux et magazines sur Internet. Rappelons que le modèle, économiquement, ne fonctionne pas. Bien heureusement, ce qui se passe outre-Atlantique pour le livre et la presse ne touche pas ou pas encore fortement l’Europe et la Suisse. Mais, hélas, il y a une certaine tendance lourde qui s’installe. Il y a toutefois de merveilleuses exceptions. Devinez? En France! «Le Figaro» tient bon et se vend plus qu’en 1980. Le régional «Ouest-France» résiste avec presque 700 000 exemplaires!

Mais le livre? Une récente étude Ipsos commandée par le Centre national du livre, est éclairante. 84% des personnes se déclarent lectrices. Les Français achètent 20 livres par année contre 16 il y a deux ans. Dans le même temps, le numérique progresse de 2 à 3 ouvrages par an. Voilà qui est exemplaire. Pourvu que, en tant que francophone, la Romandie soit dans la ligne de l’Hexagone.

L’avenir du papier

La grande question: que peut-on encore faire pour la lecture, la presse et les livres? Tout est bienvenu, et heureusement certaines initiatives sont en cours qui, sans doute, pourront, si ce n’est changer, au moins atténuer la situation. Il faut que le domaine de l’écrit soit favorisé. Incontestablement la responsabilité de l’école est considérable. Elle peut encore et toujours contribuer à donner le goût de la lecture aux jeunes générations qui n’ont pas baigné dans une atmosphère papier comme les plus anciennes. Pensons entre autres, à un détail, cessons de culpabiliser l’usage du papier alors que le recyclage fonctionne. Il est des domaines où le déclin ou la disparition a un caractère inéluctable. Parions que pour le livre et la presse, il n’en est rien. Il nous faut surtout nous battre pour susciter l’intérêt, promouvoir la qualité.

Pierre-Marcel Favre, éditeur.

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