Quel futur pour les partis politiques ?

Et si la France devenait le laboratoire d’une réinvention de la démocratie ? Depuis l’élection d’Emmanuel Macron et la victoire de La République en marche (LREM) aux législatives, tous les partis politiques français sans exception se remettent profondément en cause. Le mouvement le mieux armé pour innover est très certainement LREM qui tient sa convention fondatrice ce samedi 9 juillet, parce qu’il est plus facile de créer à partir d’une page blanche que d’être obligé de bâtir sur les ruines de partis minés par les contradictions et la guerre des chefs et parce qu’il disposera également de moyens considérables. Quoi qu’il en soit, cette réinvention est indispensable pour donner un souffle nouveau à nos démocraties représentatives.

Partout en Europe et dans la plupart des démocraties libérales de la planète, les attentes de nos concitoyens ont changé, l’évolution technologique permet dès maintenant de nouvelles formes d’exercice démocratique tandis que les partis politiques ne peuvent plus se contenter d’être des syndicats d’élus, gérant des investitures entre copains. L’attente n’est pas de supprimer la démocratie représentative, nos concitoyens sont conscients qu’elle est nécessaire parce que la décision politique prend du temps, qu’elle requiert de l’expertise et une capacité de donner du sens collectif. Mais parce qu’ils sont de mieux en mieux informés, parce que l’écart de savoir entre dirigeants politiques et citoyens se réduit très rapidement, ils souhaitent pouvoir contribuer de manière continue, et non plus ponctuelle une fois tous les cinq ans lors d’élections nationales ou à l’occasion d’un référendum souvent instrumentalisé par le pouvoir, à la définition des priorités politiques, à la construction des solutions politiques et à leur évaluation. Dans une certaine mesure, à l’ère numérique et des Civic Tech, chaque citoyen devient un homme ou une femme politique à part entière.

D’où l’importance de veiller à un renouvellement continu des fonctions électives. C’est le coup de génie qu’a eu Emmanuel Macron en ouvrant largement ces listes à la société civile. D’où l’importance également d’avoir des élus de grande qualité, ce qui passe par la formation permanente des élus qui doivent plus que jamais être en mesure de mettre en perspective les enjeux politiques. Le défi est donc double.

D’un côté, dynamiser la démocratie représentative en créant notamment sur la durée les conditions d’un renouvellement continu des élus ainsi qu’une plus grande fluidité entre monde politique et société civile, ce qui passe par un statut de l’élu. De l’autre, la compléter en développant ce que nous appellerons la «démocratie coopérative», c’est-à-dire de nouvelles formes de démocraties participatives et délibératives permettant d’associer le citoyen de manière continue et éclairée à l’ensemble du processus politique.

A cet égard, les institutions ont une responsabilité particulière : expérimenter et mettre en œuvre des infrastructures physiques et virtuelles de démocratie coopérative. Les partis politiques ont également la nécessité de se réinventer. C’est dans cette perspective que La République en marche, parce que c’est un mouvement nouveau, bien doté et innovant, peut être un extraordinaire terrain de préfiguration des partis politiques de demain en rompant avec les pratiques partisanes dont les Européens ne veulent plus : des partis politiques fermés, incapables de donner du sens collectif et de prendre en compte les évolutions rapides du monde et de nos sociétés. L’expérience des partis de gouvernement en France et ailleurs en Europe est que très vite ils deviennent des partis d’apparatchiks.

LREM est née de la volonté d’ouvrir largement la politique à la société civile, de mettre fin aux rentes de situation et d’apporter des solutions concrètes et non populistes à des défis de société souvent complexes. Comment faire pour que cette ambition, une fois les premières élections passées, ne disparaisse pas ? C’est un parti qui se veut ouvert sur la transformation en cours et l’Europe, comment veiller à ce que ses élus soient capables d’articuler enjeux locaux, nationaux et européens ? Comment trouver une utilité sociale pour ses militants et ne pas les réduire à une bande de fans ? Quelle formation continue pour ses élus ? Comment créer un parti qui reste à l’écoute réelle des citoyens dans la durée ? Comment engager un dialogue avec les citoyens qui ne partagent pas les opinions de LREM et ainsi contribuer à une culture de coopération et de respect mutuel dans nos démocraties ? Voilà un certain nombre de défis communs à la plupart des partis politiques européens, si LREM peut être un laboratoire concret pour répondre à ces questions, la démocratie progressera de manière concrète en France et en Europe.

Guillaume Klossa, essayiste, fondateur d'Europa Nova et président de Civico Europa. vient de rendre à Donald Tusk, président du Conseil européen, et Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, un rapport sur la démocratisation de l’Union européenne et la réappropriation du projet européen par les citoyens «La voie européenne pour un futur meilleur». Dernier récit, Une jeunesse européenne, chez Grasset.

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