Qu’on le veuille ou non, les migrants sont une réalité incontournable

Avant d’être un problème ou une chance, la question migratoire est avant tout une réalité. Qu’on le veuille ou non, il y aura probablement un milliard de migrants en 2050. Désormais, les hommes et les femmes circulent tout comme les biens, les marchandises et les capitaux. Depuis quelques années, les phénomènes migratoires sont même devenus de véritables mouvements de masse comparables aux grandes vagues migratoires qu’il y a eu au XIXe et au début du XXe siècle (colonisation, migrations vers les Amériques). Mais ce n’est pas tout. Au-delà de leur ampleur, les migrations se transforment de plus en plus en phénomène global de mobilité. Plus une société forme et donne des droits, plus ses citoyens deviennent mobiles. En cas de guerre, les réfugiés se déplacent naturellement plus loin.

Alors que les transformations sociales liées aux migrations ne font que commencer et que les processus sont difficilement réversibles, l’enjeu est fondamentalement sous-estimé par les politiques. La majorité d’entre eux sont dans le déni de réalité en laissant croire à leur population qu’il est possible de tout globaliser sauf la circulation humaine. Partout, la droite dure cherche à mener une politique d’apartheid, d’instabilité et d’insécurité juridique vis-à-vis des migrants. Elle contribue à mettre en place des dispositifs juridiques sans cesse modifiés, complexifiés et de plus en plus répressifs qui criminalisent et précarisent les migrants. Elle ment à vouloir faire croire que les conflits en Syrie et en Erythrée n’ont pas réellement lieu. La déshumanisation est constante: on érige des murs à Tijuana mais 11 millions de sans-papiers travaillent aux Etats-Unis, il y a des dizaines de milliers d’êtres humains noyés aux portes de l’Europe, on multiplie les murs, les barbelés, les camps, les zones de rétention, les pays dits «tampons», les contrôles à distance.

La politique est l’art du possible. Toute tentative de remplacer ce possible est une imposture. Prendre en compte la réalité passe donc, d’abord, par une rupture claire avec ces mensonges politiques. Cela passe ensuite par la mise en place progressive d’une politique migratoire fondée sur le respect du droit et des droits ainsi que sur une volonté de maîtrise de ces phénomènes humains pour préserver les équilibres économiques et sociaux du pays.

Dans le cadre de la crise actuelle des réfugiés et dans le cas de la Suisse, cela passe par une réforme de l’asile qui augmente les places d’accueil adaptées (de 3600 personnes prises en charge par la Confédération) et accélère les procédures. Le droit à une procédure équitable doit se voir renforcé. La garantie d’un soutien juridique permet aux requérants qui ne sont pas coutumiers du système juridique suisse, de suivre une procédure correcte. En parallèle, la Suisse doit jouer un rôle actif au plan européen pour enfin répartir les réfugiés et réformer Dublin en apportant son expertise de gouvernance efficace de l’asile. Il s’agit là de la seule action crédible pour répondre dignement à cette question fondamentale pour notre avenir.

Cesla Amarelle est conseillère nationale (PS/VD), présidente de la Commission des institutions politiques.

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