Réchauffement climatique: les parades sont insuffisantes

La consommation d’énergie fossile, responsable d’environ 70% du réchauffement climatique, doit absolument diminuer. Actuellement, crédits carbone + efficacité + renouvelables sont les outils utilisés pour forcer cette diminution. Les premiers, source de fraudes massives et de juteux profits, sont notoirement contre-productifs. La lutte repose donc entièrement sur les deux autres, dont seuls les renouvelables sont quantifiés. Malheureusement, les tendances de la consommation en énergie fossile (voir graphiques) et la réalité politico-économique suggèrent que la stratégie adoptée n’est pas à la hauteur du défi.

Les pétroles synthétiques, produits en faibles quantités, sont une absurdité nocive et ne sont pas discutés ici.

L’énergie totale consommée n’a cessé d’augmenter de 1965 à 2011 pour atteindre 12 milliards de tonnes d’équivalent pétrole (Gtep), dont 11 pour le trio pétrole-charbon-gaz. Faute de décisions politiques et de parades adéquates, leur tendance haussière devrait persister jusqu’à l’arrivée de leur pic de production, au-delà duquel leur consommation devrait perdurer jusqu’à «plus économique», car elles sont moins chères (sauf dégâts collatéraux), plus riches en énergie nette et plus versatiles que leurs substituts. Celle du pétrole parce qu’indispensable au transport, celle du charbon et celle du gaz pour la production d’électricité. En gros, la combustion de plus de 450 Gtep d’énergies fossiles restantes après 2020, année approximative des pics, pourrait injecter 1300 Gt de CO2, doublant ainsi la quantité émise jusqu’alors.

Par son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce en 2001, la Chine est devenue la fabrique du monde, consommant 49% du charbon global et émettant 24% du CO2. Aucun fléchissement de la forte tendance haussière n’y est perceptible, bien au contraire. Une baisse des émissions chinoises devrait nécessairement passer par celle de ses exportations, donc celle de la consommation de ses clients!

La part des énergies renouvelables ramenée à celles du charbon et du gaz (2,4%) restera très faible jusqu’à ce que survienne leur pic, après quoi elle devrait augmenter. Soutenir la croissance exponentielle des années 1990 à 2011 s’avérera difficile, si ce n’est impossible, pour de multiples raisons: demande croissante en matériaux et en énergie fossile se raréfiant, concurrence de cette dernière, limites imposées par l’environnement, coût des infrastructures, faible énergie nette et versatilité, intermittence-stockage, etc. L’Allemagne le confirme, qui prévoit une augmentation linéaire des renouvelables pour son Energiewende. Globalement et idéalement, la croissance devenue quasi linéaire de 2008 à 2011 (30 Mtep/an) permettrait aux renouvelables de remplacer charbon et gaz vers 2080 au plus tôt. Face à tant de difficultés, l’établissement prochain d’une économie verte et prospère sur la base des renouvelables paraît des plus douteux.

La résolution du problème climatique par les méthodes du business as usual échoue et échouera parce qu’elles s’attaquent à ses effets plutôt qu’à ses causes et oublient que ce n’est pas la quantité d’énergie solaire à disposition qui compte, mais le rythme auquel elle peut être délivrée économiquement en quantité suffisante. Grâce à une énergie fossile abondante et autrefois bon marché, crédit + production + consommation ont massivement augmenté et créé l’illusion d’une croissance infinie de l’économie. Cette dernière a profité à une minorité, mais a aussi engendré pollution et déplétion des ressources dont les causes profondes sont à rechercher dans l’inextinguible «soif de plus», la juste aspiration des pauvres à une vie digne et la croissance démographique. Manque donc à la stratégie actuelle la réduction de la surconsommation et surproduction de biens et de services, grandes dévoreuses d’énergie. Dans un monde plus juste, cette réduction devrait profiter aux démunis et ainsi contribuer à résoudre le problème démographique.

Cette réduction de consommation suppose une attente moins matérialiste de la vie de la part des consommateurs et de celle, moins probable, des producteurs et pourvoyeurs de crédit. Il s’agit d’un revirement consistant principalement à réaliser que plus n’est pas nécessairement mieux. Ce nouveau concept de vie devrait induire une baisse de la production/consommation d’énergie et avoir ainsi un impact positif sur le destin du climat. Mais se réalisera-t-il sur une base volontaire ou s’imposera-t-il?

La transition, voulue ou spontanée, à une société à basse énergie conduira à une baisse des profits, des revenus fiscaux, etc. Dès lors, comment préserver les acquis sociaux, la sécurité, l’autorité de l’Etat, un niveau de vie décent pour tous? Les réponses à ce défi sont loin d’être évidentes. Aux responsables de les imaginer, de convaincre leurs concitoyens de leur bien-fondé et de les mettre en œuvre. Il s’agira de faire bien ou mieux avec (beaucoup) moins et de résister à la solution de facilité qu’est la fuite en avant.

De toute manière, le déclin prochain de la production d’énergie fossile, en dépit des faux espoirs divulgués récemment, rendra inévitable un retour à la simplicité. Mieux vaut donc s’y préparer et sauver du climat ce qui peut encore l’être.

Pierre Stalder, géologue.

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