Recommander plutôt qu’imposer la vaccination contre la COVID-19

Recommander plutôt qu’imposer la vaccination contre la COVID-19
Photo: Johan Nilsson/TT News Agency via AP

L’idée de rendre obligatoire la vaccination contre la COVID-19 gagne du terrain au Canada. Selon un sondage récent, près de 45 % des Canadiens seraient favorables à cette mesure de santé publique. Au Québec, la vaccination obligatoire pourrait être imposée en vertu de l’article 123 de la Loi sur la santé publique. Ce dernier spécifie que le gouvernement ou le ministre peut ordonner la vaccination obligatoire de toute la population ou d’une partie de celle-ci pour la protéger d’une maladie contagieuse grave. Cette loi permet aussi à un juge d’ordonner qu’une personne soit conduite à un endroit précis pour être vaccinée contre son gré. Toutefois, avant d’aboutir à ce scénario qui pourrait en faire sourciller certains, il faut réfléchir aux enjeux juridiques et éthiques entourant la vaccination contre laCOVID-19 et aux solutions potentielles qui la rendraient éthiquement acceptable aux yeux de la population.

D’abord, rappelons qu’en vertu du Code civil du Québec, le consentement libre et éclairé d’une personne (ou de son représentant légal) doit être obtenu avant qu’elle ne reçoive un soin, y compris la vaccination. Il en est de même pour sa participation à la recherche. Ce consentement libre est donné en absence de contraintes ou de menaces. En conséquence, le caractère libre du consentement n’est plus possible si la vaccination est obligatoireou si des mesures coercitives sont mises en place pour empêcher des personnes non vaccinées d’avoir accès aux lieux publics et aux servicesessentiels. D’autre part, le consentement éclairé signifie que la personne (ou son représentant légal) devrait avoir reçu toute l’information nécessaire pour bien comprendre les avantages et les risques liés à la vaccination contre la COVID-19, et ce, avant de se faire vacciner.

Dans un avenir rapproché, de nouveaux vaccins entreront sur le marché canadien au moment où Santé Canada conclura qu’ils sont sûrs et efficaces. Pour arriver à cette conclusion, l’agence s’appuiera sur les résultats d’essais cliniques de phases II et III respectivement. Des incertitudes demeureront quant aux vaccins en dépit de leur commercialisation. La courte durée des essais cliniques n’aura pas permis de valider leur efficacité et leur sûreté à long terme. Le nombre limité de participants aux essais cliniques n’aura pas permis d’identifier les effets indésirables rares et graves des vaccins. Ces incertitudes sont accentuées par les mécanismes nouveaux que font intervenir certains vaccins (c.-à-d. : vaccins à ARN).

Ainsi, face aux limites des données actuelles, il est fort probable que les vaccins contre la COVID-19 continueront d’être à l’étude pendant la campagne de vaccination. La surveillance post-commercialisation de ces vaccins, aussi appelée essai clinique de phase IV, validera leur efficacité à l’échelle populationnelle à long terme etpermettra d’identifier leurs effets indésirables rares et graves. Ainsi, la vaccination sera à la fois une intervention de santé publique et une activité de recherche. En participant à la recherche, les personnes vaccinées s’exposeront à des risques inconnus, notamment quant aux effets indésirables n’ayant pas encore été documentés. D’ailleurs, ces risques pourraient être amplifiés chez les personnes faisant partie de groupes sous-représentés dans les essais cliniques. Par exemple, il est connu que les personnes appartenant aux minorités ethnoculturelles, les mineurs, les femmes enceintes ou des personnes atteintes de maladies rares sont souvent sous-représentés en recherche.

Cela étant dit, il serait plus éthiquement acceptable pour la santé publique de recommander la vaccination contre la COVID-19 que de la rendre obligatoire. De cette manière, les citoyens pourraient consentir de façon libre et éclairée à la vaccination tout en facilitant les études de surveillance post-commercialisation qu’elle implique. En misant sur sa mission d’éducation envers le public plutôt qu’en imposant des mesures coercitives, la santé publique épaulerait mieux les citoyens dans leur lutte contre la pandémie. En conclusion, nous sommes d’avis que dans le brouillard, il est peut-être plus prudent de rouler sur le frein et d’appliquer le principe de précaution, du moins jusqu’à ce que l’aube ait dissipéquelques nuages au-dessus de nos incertitudes.

Ariane Quintal et Louise Ringuette, Candidates au doctorat en bioéthique, École de santé publique de l’Université de Montréal.

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