Redonner de l'espoir à Gaza

Par Pierre Micheletti, président de Médecins du monde France (LIBERATION, 15/09/06):

Le conflit du Liban a provisoirement occulté la situation dans les Territoires palestiniens, à Gaza en particulier. En six mois, entre l'embargo ayant suivi la victoire du Hamas en janvier et la reprise en juin des incursions israéliennes, avec leur cortège de victimes civiles, le processus de paix a volé en éclats en même temps que se sont détériorées les conditions de vie et de santé des Gazaouis. La rentrée scolaire et universitaire ainsi que le début du ramadan (23, 24 septembre) constituent des repères à la fois concrets et symboliques. Ces échéances cristallisent un désespoir pouvant faire basculer la population sur le versant de la violence.

Les habitants de Gaza cumulent en effet aujourd'hui un certain nombre de vulnérabilités. Sur une bande côtière de 40 km par 10, coupée du reste du monde, 1,4 million de Palestiniens sont rassemblés sur une zone qui connaît l'une des plus fortes densités humaines au monde (6 000 personnes au km2 en zones habitables).

A ces facteurs démographiques s'ajoute une grande précarité économique. Elle s'explique par l'impossibilité d'exporter les biens produits et, depuis plusieurs mois, par la suspension des salaires au sein des services publics. Il faut y ajouter l'interruption des revenus de milliers de travailleurs qui, chaque jour, traversaient la frontière pour se rendre dans des entreprises en territoire israélien.

Sur le plan politique, les clivages créent plusieurs niveaux d'affrontement : entre militants palestiniens et forces armées israéliennes d'une part, entre Hamas et Fatah d'autre part. Depuis peu, des antagonismes au sein même de chacun des mouvements politiques palestiniens ont vu le jour. Tous ces groupes sont par ailleurs fortement armés.

Enfin, sur le plan des conditions de vie et de santé, la situation de la population de la bande de Gaza a subi une très forte dégradation. Les équipes de Médecins du monde au cours d'un travail d'enquête réalisé avant la reprise des affrontements le 28 juin, puis quelques jours après, ont ainsi mis en évidence la dégradation rapide de l'accès à l'eau, de l'accès à l'alimentation, des conditions d'accès aux soins. On assiste, dans ce contexte, à l'omniprésence dans la population générale de signes liés à la souffrance mentale des habitants.

Le constat à Gaza aujourd'hui est donc le suivant : une population épuisée, un système de santé qui ne cesse de se dégrader au fil des mois, un pouvoir économique qui s'est effondré et des infrastructures vitales qui sont en grande partie détruites.

Il est pourtant encore temps d'éviter le pire par un certain nombre d'actions concrètes :

une restauration urgente des aides financières de la communauté internationale dont la décision est prise mais dont la mise en oeuvre réelle est non effective ;

un arrêt des incursions quasi quotidiennes des forces armées israéliennes ;

un arrêt de l'envoi de roquettes sur le territoire israélien de la part des mouvements armés palestiniens ;

une réouverture des frontières avec circulation des personnes et des biens ;

une réparation des infrastructures nécessaires aux besoins de base de la population (eau, électricité, voies de communication) ;

une libération des élus et des membres du gouvernement détenus par les Israéliens.

Il faut redonner un espoir à la population de Gaza. Il faut lui donner des raisons de faire un autre choix que celui de revendications violentes. La légitime solidarité vis-à-vis du Liban ne doit pas servir de paravent à une double stratégie de l'attentisme et de l'hypocrisie de la communauté internationale vis-à-vis de la population palestinienne.