Réforme des retraites : « Pour ne pas sacrifier l’avenir, la transformation doit répondre à une logique d’objectifs et non de moyens »

Dans ce quinquennat, 2019 sera une année clé. A défaut du rapport CAP 2022, le projet de loi de finances, discuté dès cet automne, devra contenir des éléments substantiels de transformation, si la France veut respecter ses engagements budgétaires. 2019 est aussi l’année choisie par l’exécutif pour la réforme des retraites, qui s’annonce des plus délicates. Dans le programme du candidat Macron, ce chantier, majeur pour les finances publiques du pays, était pourtant très peu documenté.

Seule l’annonce choc de la fin des réformes paramétriques y figurait, au bénéfice d’une réforme systémique. Le tout est prévu en un an, là où les Suédois, souvent cités comme exemple, ont mené des négociations pendant près d’une décennie avant d’aboutir à leur réforme de 1998. A cet égard, la méthode retenue par l’exécutif, celle d’une concertation conduite par un haut-commissaire compétent et rassurant, envoie un signal encourageant.

Coûteux, inéquitable et insoutenable

Sur le fond, les enjeux sont connus. Ils peuvent être résumés en trois volets qui devront guider les décisions à venir. Notre modèle est aujourd’hui généreux et coûteux. En 2015, le niveau de vie médian des retraités est plus élevé que celui de l’ensemble de la population, tandis que 316 milliards d’euros de pensions de retraite ont été versés en 2017, soit 13,8 % du PIB… contre 10 % en moyenne dans l’Union européenne.

Il est aussi difficilement lisible et inéquitable. On compte aujourd’hui près d’une quarantaine de régimes de retraite. Les différences de traitement existantes – âge d’ouverture des droits, méthode de calcul des prestations – entraînent complexité et injustice, certains pouvant être favorisés selon qu’ils auraient effectué leur carrière dans le public ou dans le privé.

Enfin, il est déséquilibré et insoutenable. Selon le rapport du conseil d’orientation des retraites (COR) de juin 2018, le solde financier du système restera négatif au moins jusqu’en 2040, voire plus tard si la croissance des revenus d’activité venait à ralentir. Ces difficultés découlent d’une évolution démographique particulière : gains significatifs d’espérance de vie – de l’ordre de trois mois par an – et dégradation du ratio actif/retraités (2,33 actifs pour un senior en 2010 ; 1,61 actif pour un senior en 2030) feront peser un poids toujours plus important sur les jeunes générations.

Toutes choses égales par ailleurs, la France est aujourd’hui la championne du temps passé à la retraite au sein de l’OCDE. Les hommes passent en moyenne 23 ans à la retraite et les femmes 27,2 ans, soit cinq années de plus que la moyenne des pays développés.

Dans ce contexte, le mécanisme de solidarité, fondement de notre système de retraites, s’apparente désormais à un transfert de moins en moins défendable des jeunes générations vers les plus âgées. Cet horizon est politiquement inacceptable.

Notre système n’est pas irréformable

Malgré leurs imperfections, les nombreuses réformes précédentes, paramétriques, ont su répondre aux enjeux de court terme et démontrer que notre système n’était pas irréformable. La « transformation » à venir, promise par Emmanuel Macron, souhaite désormais répondre aux défis de long terme. Mais, quelle que soit sa nature, celle-ci ne pourra faire l’économie de plusieurs questions clés. En effet, le caractère systémique de cette réforme ne signifie pas nécessairement que celle-ci parviendra à sauver notre système de retraites par répartition.

Comme l’Institut Montaigne le souligne dans sa note « Retraites : pour une réforme durable », un certain nombre de mesures urgentes auraient pu être prises afin de consolider le système actuel, avant même d’engager un tel chantier : adapter les paramètres du régime aux évolutions de la société en portant l’âge de départ à 63 ans et la durée de cotisation pour une retraite à taux plein à 43 ans d’ici à 2022 ; faire converger les régimes public et privé ; ouvrir le débat encore trop tabou de la participation des citoyens et de la retraite par capitalisation. Le choix de l’exécutif s’est porté sur une transformation en profondeur : il faudra néanmoins trouver le courage de prendre ces sujets de front.

Si elle ne veut pas sacrifier l’avenir, la transformation du modèle devra répondre à une logique d’objectifs et non à une logique de moyens. Elle devra s’appuyer sur une méthode irréprochable, un cap précis et une ambition à la hauteur des enjeux. Elle ne devra pas agir comme un paravent et masquer les enjeux d’équilibre financier. Efficacité, lisibilité et équité devront en être les principes directeurs. Sans quoi la « transformation » n’a aucune chance d’être acceptée par nos concitoyens.

Par Victor Poirier, Chargé d’études senior pour les questions sociales, de finances publiques et industrielles à l’Institut Montaigne.

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