Réfugiés: le signal danois

Bientôt, les policiers danois pourront confisquer les avoirs supérieurs à 10 000 couronnes (1465 francs) appartenant aux réfugiés qui demandent asile sur le territoire du royaume. Sauf s’il s’agit de «valeurs affectives» comme certains bijoux. Un large consensus, à l’exception de petits partis de gauche, s’est dessiné cette semaine au Folketing, le parlement, pour voter cette mesure prônée par le gouvernement. Il s’agit d’envoyer un «signal» aux migrants pour les dissuader de venir, s’est justifié le pouvoir sous l’influence du Parti populaire danois (DF), formation nationale-populiste qui dicte l’agenda politique depuis une quinzaine d’années à l’image de l’UDC en Suisse.

Ce signal n’est pas passé inaperçu. L’ONU, par la voix du Haut-commissariat aux réfugiés, et le Conseil de l’Europe se sont émus d’une loi qui alimenterait «la peur et la xénophobie» et attenterait à la «dignité humaine». Au Danemark, ce texte a subi quelques corrections après avoir suscité un vaste débat. Les Danois n’ont par ailleurs pas apprécié d’être comparés aux nazis dans un commentaire abrupt du Washington Post, eux qui se sont longtemps enorgueillis d’avoir sauvé «leurs» juifs durant la Deuxième guerre mondiale et d’un roi qui paradait avec l’étoile jaune pour défier l’occupant (il faudra attendre 2003 pour qu’un premier ministre reconnaisse comme «morale injustifiable» la collaboration des autorités de l’époque avec le Reich).

Pays à éviter

Ce signal, les réfugiés l’avaient déjà reçu 5/5 depuis des mois. Cet automne, au plus fort du flux migratoire en provenance de la Syrie, dans la gare centrale de Vienne, lieu de transit d’une grande partie d’entre eux, on pouvait ainsi observer une carte de l’Europe scotchée sur un mur indiquant deux pays de destination: l’Allemagne et la Suède, et deux pays barrés d’une croix, donc à éviter: la République Tchèque et le Danemark. Etait-ce le résultat d’une campagne de communication du Danemark lancée plus tôt dans les pays arabes pour signaler le durcissement des conditions d’accès à l’asile et dissuader les candidats? Ou le simple retour de la droite au pouvoir, avec l’appui du DF, avait-il eu un effet préventif?

Pris en étau entre les deux pays qui se sont montrés les plus ouverts aux migrants ces derniers mois, le Danemark n’a par ailleurs pas à rougir. Au prorata de sa population, c’est l’un des Etats d’Europe qui a accueilli le plus de candidats à l’asile en 2015 (21 000 pour 5,6 millions d’habitants – en Suisse, on a enregistré 39 500 demandes pour 8 millions d’habitants).

Comme la Suisse

Dans le fond, le Danemark ressemble de plus en plus à la suisse – à moins que ce soit l’inverse. Voilà un petit royaume dont la politique intérieure est dominée depuis des lustres par la question des étrangers. Comme les Suisses, les Danois s’estiment généreux, accueillants, fiers de leur modèle social et soucieux de le défendre. Comme la Suisse, le Danemark est un pays prospère qui ne connaît presque pas de chômage et dont l’économie repose en grande partie sur ses exportations.

Comme le Danemark, la Suisse applique des mesures de confiscation des biens aux demandeurs d’asile, et cela depuis des années (ici, la limite est à 1000 francs) sans que cela n’ait produit la moindre vague puisque l’on s’est passé d’un débat parlementaire sur ce point précis. Les signaux envoyés par nos frères danois aux étrangers sont le fonds de commerce du plus grand parti national, votation après votation.

Nos deux petits pays, au drapeau presque identique, n’ont de leçon démocratique à recevoir de personne. Il est pourtant piquant d’observer ces Etats s’illustrer l’un et l’autre dans la remise en question du droit international. En Suisse, on dénonce la soi-disant mainmise des juges européens. Au Danemark, on voudrait réviser la Convention de Genève sur les réfugiés. Les signaux d’une même régression.

Frédéric Koller, écrivain et journaliste.

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