Réfugiés: soyons réalistes

À la frontière entre la Grèce et la Macédoine (8 novembre 2015). © AFP / ROBERT ATANASOVSKI
À la frontière entre la Grèce et la Macédoine (8 novembre 2015). © AFP / ROBERT ATANASOVSKI

Face au flux massif et continu de mi­grants, la réponse de la plupart des partis politiques est: respectons la tradition humanitaire de la Suisse. Seule alternative: la fermeture des frontières prônée par l’UDC. Résultat: les uns se sentent coupables de ne pas en accueillir davantage, les autres sont coupables d’égoïsme, voire pire. Et une grande partie des Suisses est inquiète. Dans tous les cas, il n’y a que des coupables. Est-ce la bonne analyse?

La globalisation de la communication a mis fin à l’ordre international qui prévalait jusqu’aux environs des années 2000, expliquent les auteurs du livre Un Monde d’inégalités, récemment paru aux Editions La Découverte. Le système international, qui était dominé par l’Europe et l’Amérique du Nord, englobe désormais l’ensemble de la planète. La diffusion planétaire des outils de communication a aussi abouti à une situation historique inédite: une humanité confrontée en permanence au mode de vie des pays «riches».

Si les habitants des pays «pauvres» connaissaient le décalage, celui-ci leur saute désormais à la figure tous les jours. D’où une exacerbation bien compréhensible de leur frustration, qui bascule souvent vers la violence, ou vers la décision de rejoindre ces pays de cocagne.

Le problème est que, si la communication est devenue globale, le potentiel économique des pays dits «riches» ne se dilate pas à l’envi. Plus de 800 000 migrants ont atteint l’Europe depuis le début de l’année, selon les derniers chiffres de Frontex. En 2016, autant de migrants arriveront par la Méditerranée qu’en 2015, selon l’ONU.

A l’autre bout, des pays performants, comme l’Allemagne et la Suède, sont au bord de la saturation. D’autres, comme la France, n’arrivent même pas à gérer leur propre crise économique.

Si le flux des migrants se maintient, les pays ne pourront plus leur assurer un accueil digne. Non pas parce qu’ils sont égoïstes. Mais parce que, économiquement, ils n’auront plus les capacités de les loger, de les soigner, de les former à la langue, à la culture et au marché du travail local. Car cet effort d’intégration, qui peut prendre des années, est souvent un défi: faire passer les migrants d’un mode de vie moyenâgeux à celui du XXIe siècle.

Ne confondons pas non plus générosité et sacrifice. Nous avons la chance d’être nés dans un pays «riche», nous partageons volontiers notre bien-être, mais n’oublions pas que ce modèle est le fruit de plusieurs générations d’efforts et de peines dont il est légitime de défendre la pérennité.

Savoir communiquer

Enfin, puisque c’est la communication globalisée qui semble être le facilitateur de ces flux migratoires, il faut absolument occuper ce terrain, celui de la communication. Il faut avoir le courage d’un discours clair, sans langue de bois. Et profiter, par exemple, que Google ait annoncé vouloir fournir des informations de plus en plus précises aux migrants.

Quel serait le message? L’Europe doit avoir l’honnêteté de dire qu’elle ne pourra pas accueillir tout le monde, notamment tous ceux qui ne sont pas menacés par la guerre. Elle doit avoir le courage de dire que ceux qui ne remplissent pas les conditions seront renvoyés. Parallèlement, elle doit soutenir les pays en crise par une politique décuplée de programmes de formation, de logement et d’organisation des administrations sur place, à l’image des partenariats migratoires déjà conclus par la Suisse. Elle ne doit pas laisser l’aide d’urgence aux seules ONG. Elle doit mieux impliquer les pays pétroliers du Moyen-Orient.

Ce flux migratoire est un événement historique majeur. L’Europe ne sera peut-être plus jamais la même après cela. La limitation des flux migratoires ne doit pas être un sujet tabou réservé aux partis populistes. Trouvons le courage de le dire avec réalisme et sans culpabilité, et agissons vite. Et ayons une pensée pour toutes ces terres abandonnées et frappées par la désolation.

Isabelle Tasset Vacheyrout, journaliste et conseillère communale à Gryon (PDC/VD).

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