Refusons la logique de guerre et relançons la diplomatie en Syrie

Les attentats aveugles du 13 novembre ne doivent pas nous empêcher de raison garder. Les emballements va-t-en-guerre d’une bonne partie de la classe dirigeante française sont inquiétants. Depuis l’intervention des Etats-Unis en Irak, a-t-on oublié les leçons de l’histoire récente de l’interventionnisme militaire ? La Libye après l’Irak, comme tant d’autres exemples, a pourtant rappelé que les actions de la force militaire ne valent que si elles servent une stratégie politique claire, partagée par une large coalition d’alliés sur le plan international et régional.

Bombarder et punir ne suffiront jamais sans une diplomatie courageuse et audacieuse tournée vers le règlement des conflits. On ose espérer que nos responsables ont d’autres options que de s’engager dans une logique de « guerre contre le terrorisme », sans issue depuis près de quinze ans, et qui mettra en péril lentement mais sûrement nos libertés démocratiques. On ne fait pas la guerre au terrorisme, on tente de l’éradiquer, en s’attaquant en priorité à ses causes les plus immédiates.

Les démocraties sont mal équipées pour répondre à l’ultraviolence. Celle-ci corrompt leurs valeurs et dégrade leurs idéaux. Lorsque l’ennemi est d’un fanatisme radical, comme c’est le cas aujourd’hui, il faut le combattre sans concession, mais en évitant de se laisser entraîner dans un scénario de guerre civile.

Pour cette raison, la réaction de force est légitime et nécessaire, mais il est également indispensable de contenir cette « violence mimétique ». [L’anthropologue] René Girard nous rappelait qu’elle nous confronte à « un choix terrible : ou croire à la violence ou ne plus y croire ». Nos démocraties tentent d’y croire de moins en moins et c’est une tendance dont nous devrions nous féliciter et que nous devrions encourager avec lucidité sur le plan international.

Reprendre l’initiative

Revendiquées par Daech, les récentes actions terroristes à Paris ou au Liban, comme tant d’autres, se nourrissent de l’effondrement de la Syrie qui est en passe de devenir un cancer mondial. Bachar Al-Assad en est le premier responsable et rien ne sera jamais oublié. Mais l’urgence est à l’offensive diplomatique. Il n’y a pas d’issue militaire dans un proche avenir, alors que la guerre a déjà fait plus de 250 000 morts, des dizaines de milliers de blessés, des millions de déplacés et de migrations forcées.

En revanche, il faut profiter de la stupeur provoquée par le nouveau cours d’une violence terroriste indiscriminée et par les menaces massives qui pèsent sur toutes les parties engagées dans le conflit pour relancer le processus diplomatique. En allant si loin, Daech s’enferme dans une impasse. La diplomatie doit se saisir de ce qui pourrait être une erreur stratégique majeure et reprendre l’initiative.

Engagés sous les auspices des Nations unies, les pourparlers de Vienne sur la Syrie sont laborieux mais ne doivent pas être négligés : les exclusions se sont réduites, des ennemis se sont parlé, des feuilles de route pour la transition ont commencé à s’échanger. Conforté par le sommet du G20 des 15 et 16 novembre, un frémissement est sensible. La question du départ de Bachar Al-Assad ne doit pas être érigée en préalable absolu. Il faut amorcer une transition imparfaite qui fissurera le bloc au pouvoir et scellera tôt ou tard le sort du dictateur.

La diplomatie a la tâche urgente de réduire l’intensité de la violence en Syrie, de la circonscrire aux zones irréductibles pour rendre l’accompagnement militaire plus efficace, et d’engager avec toutes les parties un processus de sortie de crise. Même élargie, une coalition militaire punitive ne serait pas suffisante. Elle ne peut être qu’un moyen provisoire avant que renaissent de nouvelles tensions. La crise syrienne est d’abord politique et sociale.

Au stade où nous en sommes, la table de négociations a plus d’atouts que le tapis de bombes. Il faut stopper l’escalade au prix d’un accord qui ne sera pas satisfaisant mais qui ouvrira une période de stabilité relative et une recomposition des forces politiques. Les démocraties ont une longue pratique des compromis difficiles sur le plan interne. Leurs diplomaties devraient donner de la voix et montrer l’exemple sur le plan international.

Guillaume Devin a dirigé le livre Dix concepts sociologiques en relations internationales, CNRS éditions.

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