Remettons à l’ordre du jour l’élimination de l’arme nucléaire

L’épisode syrien, qui, au niveau de la pratique de la guerre, reste un fait divers, a ramené l’attention du public sur les armes chimiques et biologiques. Depuis une utilisation systématique de gaz au cours de la Première Guerre mondiale de 1914-1918, une indignation légitime à leur égard s’est manifestée. Elle a abouti à un accord sur leur élimination dès 1922. Des emplois sporadiques ont eu lieu durant la Seconde Guerre mondiale, pour aboutir, dans les années 50, à un accord quasi universel de ne plus recourir à ces armes et de les éliminer. La Syrie fait partie des quelques pays qui ne l’ont pas signé en réaction à l’absence de destruction des armes de cette nature possédées par les grandes puissances, dont les Etats-Unis.

Les armes chimiques et biologiques sont abominables. Elles le sont comme toutes les armes de destruction massive qui ne distinguent pas combattants et non-combattants. Cette dernière distinction mérite d’ailleurs réflexion. Toute arme a un caractère abominable. Tuer, déchirer reste le même destin quelle que soit la méthode. Un combattant est très souvent quelqu’un à qui une arme et son mode d’emploi ont été assignés et à qui il est rappelé: «Si tu ne t’en sers pas, l’autre le fera.» Celui qui déclenche une guerre est toujours un non-combattant. Il n’a peut-être jamais entendu le bruit d’un coup de feu.

La non-discrimination des victimes, particulièrement des enfants, par les armes chimiques, est le premier motif d’horreur et de dégoût légitimes à leur égard. Le second est le nombre élevé de morts simultanées en dehors d’un système de soins efficaces. Il est donc parfaitement nécessaire de mettre tout en œuvre pour une suppression définitive et rapide des armes chimiques et biologiques. Nous semblons cependant feindre d’ignorer qu’il existe bien plus impressionnant et dangereux: l’arme nucléaire. Il a fallu le massacre syrien pour rappeler les dangers des armes chimiques. Faudra-t-il l’utilisation d’une «bombe atomique» pour rappeler ce que celle-ci représente: son pouvoir de destruction et de contamination de longue durée et sa puissance de massacre.

Il est essentiel d’en finir avec les armes nucléaires, ce que ne font pas les accords de désarmement en vigueur. Ceux-ci n’ont pas défait les arsenaux des sept pays qui en disposent: les cinq pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU: Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine, plus Inde et Pakistan. Ces arsenaux sont considérables. Aux yeux de beaucoup, il vaut mieux n’en point parler. Cela s’appelle suivre la politique de l’autruche. Le professeur J. Dhanapala, actuel président des conférences Pug­wash, vient opportunément de le rappeler. Tous pays confondus, il existe 17 200 armes nucléaires, dont 4400 sont attachées à des missiles ou sont prêtes à être ciblées dans les cinq minutes qui suivent. Le potentiel de destruction immédiat est inimaginable lorsqu’on se rapporte à la disparition des villes d’Hiroshima et de Nagasaki avec des instruments primitifs vis-à-vis de ceux actuellement existants. Nous ne sommes plus en Guerre froide, nous restons cependant à la merci d’une erreur de manipulation ou d’une action volontaire suscitée par les désordres sociaux qui peuvent accompagner les crises économiques ou, pis encore, de tout autre acte de folie dont l’histoire humaine n’est pas exempte.

La presse rapporte qu’en 1961, une bombe à hydrogène d’une puissance 260 fois supérieure à celle qui élimina Hiroshima a manqué d’exploser sur le sol américain à la suite de la défaillance de trois systèmes de sécurité sur quatre lors de la chute de l’avion qui la transportait.

L’Assemblée générale de l’ONU s’est réunie à New York. Le secrétaire général semble décidé à remettre l’élimination des armes nucléaires à l’ordre du jour. Il faut soutenir ces travaux et en maintenir l’actualité jusqu’à un résultat concret. Cela ne sera pas facile car il existe une forte pression de l’industrie nucléaire couplée à l’attrait de la puissance politique conférée. Il est également ahurissant d’entendre des responsables militaires prétendre que leur participation au maintien de la force nucléaire est un acte patriotique alors que celui-ci ne peut que ­mener à la destruction de cette patrie.

Pour assurer notre avenir, nous devons bannir rapidement l’arme nucléaire.

Jean-Pierre Stroot, physicien, président honoraire du Gipri.

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