Remettons de l’humain en faveur des réfugiés

Toutes les deux secondes, une personne est déplacée sur la planète à cause de la guerre, des violences ou des persécutions. Soit moins de temps que pour lire cette phrase. En 2017, nous avons enregistré 68,5 millions de personnes déracinées, c’est plus que la population de la France.

Nous sommes confrontés, quotidiennement, à ces chiffres alarmants du nombre de personnes déplacées dans le monde. Pour autant, rares sont ceux qui ont pu mettre des visages derrière ces chiffres. Il est impératif de le faire afin d’humaniser cette tragédie qui, trop souvent, est banalisée.

Derrière chaque urgence, il y a des femmes, des hommes et des enfants qui cherchent à survivre et à se reconstruire malgré les marques laissées par la guerre et la violence. Pour ces personnes-là, partir n’était pas une option. Parmi eux, Jean de Dieu, un réfugié centrafricain de 24 ans qui, blessé par balle, raconte comment il a trouvé la force de survivre et de fuir vers le Congo voisin.

C’est aussi Habiba, une femme réfugiée de 24 ans à la frontière du Tchad, qui explique qu’elle s’est cachée pendant des mois dans la forêt avant de pouvoir atteindre un lieu sûr. Il y a Edwige, Patrick, Marie, cette jeunesse qui trouve un exutoire dans l’expression artistique, partout où ils se retrouvent privés de débouchés : la danse, la musique, la capoeira… autant de moyens de rappeler qu’ils ont un droit à l’avenir.

Une mobilisation au-delà de nos frontières

Car petit à petit, la vie reprend ses droits et ces personnes déracinées s’appliquent à récréer tant bien que mal un cadre qui les aidera à se reconstruire sereinement. L’espoir existe à l’image du retour de Clara en Angola, après des décennies d’exil et celui de Joseph Pepidi dans sa ville au Congo après son exil de 12 ans au Gabon.

Des solutions à ces situations tragiques sont possibles, notamment en mettant en place des systèmes qui accueillent et qui protègent, des projets favorisant l’intégration. Il faut donner une chance aux personnes réfugiées de se reconstruire et de s’épanouir dans leur société d’accueil. L’accès à l’emploi et à la formation est un facteur décisif pour les aider à se construire un avenir.

Cela demande aussi une mobilisation au-delà de nos frontières. 85 % des réfugiés vivent dans des pays en développement, quatre réfugiés sur cinq demeurent dans des pays frontaliers de leur pays d’origine. C’est en se mobilisant au-delà de ses propres frontières, en mettant en place un réel partage de responsabilités, notamment en développant des voies légales d’accès sûres, que l’on peut prévenir les pertes en vies humaines lors des routes dangereuses de l’exil.

Au-delà des solutions de première urgence, des politiques, il y a la réponse de citoyens. C’est là que commence le partage de la responsabilité à l’égard des réfugiés. Ce sont ces communautés locales qui changent les choses.

Susciter la rencontre

C’est, par exemple, cet imam et cette religieuse qui œuvrent ensemble pour construire la paix auprès des réfugiés centrafricains. Ou encore ce comité d’entreprise qui a décidé de transformer leur centre de vacances en centre d’accueil pour les réfugiés arrivant en France. Il y a aussi ceux qui ont dépassé leurs craintes pour aller à la rencontre de ces nouveaux arrivants, pour faire le choix d’apprendre et de créer de nouveaux liens. Ce n’est pas simple, mais c’est faisable.

Comme nous le montrent ces 800 résidents de ce village alsacien de Thal-Marmoutier (Bas-Rhin) qui se mobilisent pour accueillir les réfugiés évacués depuis le Niger et la Libye. Les craintes ont disparu à la vue de ces familles et ont laissé place à de l’affection et à l’envie d’agir. Ou encore ce maire dans le Puy-de-Dôme qui raconte, avec fierté, l’accueil des premiers réfugiés de son village de 550 habitants, dont 60 bénévoles, en concluant que « la haine ça fait du bruit. La solidarité c’est terriblement efficace et mobilisateur ». Et nous rapporte cette question posée au conseil municipal faisant taire les manifestations de haine : « Comment vont-ils ? » Ce sont ces populations hôtes qui se retrouvent en première ligne à l’arrivée des réfugiés et avec humanité, compassion et solidarité, leur accueil change concrètement des vies.

Le travail du HCR consiste aussi à les rencontrer, à comprendre, à travailler ensemble, à soutenir des initiatives. En France, nous sommes témoins d’un autre paysage national, très souvent silencieux : des habitants de régions et de villes qui se mobilisent et qui renouvellent chaque jour leur choix de vivre ensemble. Ils ont fait le choix d’ouvrir les portes de leur maison ou d’apporter leur aide aux plus vulnérables parce qu’être humanitaire, c’est être humain avant tout. Ils n’ont pas attendu le HCR pour cela. Mais le HCR continuera à encourager et à soutenir cette humanité.

Que faire en tant que citoyens ? Susciter la rencontre. C’est en allant à la rencontre de l’autre et en étant solidaire que l’on peut mieux accueillir et intégrer les personnes réfugiées, mais aussi apprendre de leur parcours : chaque jour, réfugiés et citoyens s’engagent pour créer une société plus tolérante, plus solidaire, riche d’histoires. Aller à la rencontre, c’est aller au-delà de ses peurs, de ses a priori. C’est un saut dans l’inconnu, un saut vers cet inconnu.

Par Céline Schmitt, Porte-parole France du Haut-Commissariat pour les réfugiés/HCR.

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