Résolution de l’ONU sur les colonies israéliennes: « Obama - Nétanyahou, un affrontement sans gloire »

La résolution 2334 du Conseil de sécurité, votée le 23 décembre, qui dénonce la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens occupés comme « une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution à deux Etats », sans que les Etats-Unis aient utilisé leur veto, constitue l’un des épisodes les plus conflictuels qui ait opposé Israël à son protecteur américain.

Que l’on s’en réjouisse ou que l’on condamne cette abstention américaine, il faut s’interroger sur les raisons qui ont amené Barack Obama à prendre une telle décision – maintenant seulement. A-t-il voulu laisser un héritage, en marquant sa désapprobation envers la récente tentative du gouvernement israélien de faire adopter une loi dite de la « régulation » visant à rendre légaux tous les avant-postes illégaux ? A-t-il voulu sauver ce qui reste de la solution à deux Etats, dont l’entreprise de colonisation ne fait qu’éloigner les chances de succès ?

C’est fort possible, mais pourquoi avoir attendu si longtemps alors qu’il avait deux mandats de quatre ans devant lui pour tenter de contrecarrer le développement de ces constructions ? Pendant huit ans, il s’est contenté, après chaque décision d’extension des colonies adoptée par le gouvernement israélien, de réprimandes purement verbales, tout en continuant à soutenir Israël au Conseil de sécurité et en mettant à sa disposition tous les moyens qu’il réclamait pour Tsahal.

Les turbulents alliés de Nétanyahou

On voit d’ailleurs difficilement comment une telle résolution pourrait donner un coup d’arrêt à la colonisation. Au contraire, elle risque plutôt d’encourager le gouvernement de Benyamin Nétanyahou à aller de l’avant. Pourquoi ? Certes, la résolution met à mal la diplomatie israélienne, qui devrait faire face à une possible réaction en chaîne, à des initiatives internationales allant à l’encontre de la colonisation jugée illégale au regard du droit international, peut-être à un recours devant la Cour pénale internationale, et à des appels renouvelés à boycotter les produits des colonies, elle qui s’est tant évertuée à montrer que ces colonies n’étaient pas un obstacle à la paix.

Mais, de l’autre côté, les contraintes de politique intérieure pèsent lourdement sur le premier ministre israélien. Celui-ci a montré à diverses reprises son souci de tout faire pour sauver sa (faible) majorité parlementaire. Il a même récemment évincé le loyal et compétent Moshé (Bougi) Yaalon du poste de ministre de la défense pour confier ce portefeuille à Avigdor Lieberman, un novice en la matière, mais dont la présence au gouvernement permettait de renforcer sa majorité. Benyamin Nétanyahou a besoin, par ailleurs, de son autre allié, le turbulent Naftali Bennett, leader du parti d’extrême droite le Foyer juif, qui n’a cessé de réclamer la renonciation à la solution à deux Etats et qui prône l’annexion de la zone C sous contrôle israélien, soit 60 % du territoire de la Cisjordanie.

Face à ces alliés incommodes, le premier ministre se sent obligé de donner des gages à son électorat, de montrer sa capacité à se relever après le coup dur infligé par le Conseil de sécurité. Entre les intérêts d’Israël à long terme et la sauvegarde de son poste de premier ministre, il ne fait pas de doute qu’il choisira cette dernière option. De ce fait, Obama, qui voulait sauver la solution à deux Etats, a sans doute contribué à la rendre encore plus irréalisable et a fait un cadeau aux colons, qui verront leur capacité d’extorsion s’accroître encore, ce qui n’était pas son objectif. En termes de rationalité stratégique, ce n’était pas un choix très heureux.

Mais une autre rationalité était à l’œuvre, et qui explique mieux encore le choix du moment, liée à l’affrontement personnel entre Obama et Nétanyahou. Après un début qui promettait une politique courageuse en matière de lutte contre l’occupation israélienne, Obama s’est vite montré soucieux de ne pas affronter son opposition républicaine, qui soutenait à fond Israël.

Désinvolture et posture victimaire

Nétanyahou a interprété ce renoncement comme un signe de faiblesse et en a profité pour se rendre aux Etats-Unis, en mars 2015, et appeler le Congrès à s’opposer à la volonté d’Obama de conclure un accord avec l’Iran sur la question de son programme nucléaire. Il n’a pas hésité à se mêler de la politique intérieure américaine et, de surcroît, à défier le président à Washington même. Un tel affront devait tôt ou tard être lavé. Il l’a été par Barack Obama à quelques semaines seulement de son départ de la Maison Blanche, alors qu’il n’avait désormais plus rien à perdre. Obama consolide ainsi son image de président certes sympathique, mais guère courageux.

Benyamin Nétanyahou, lui, a commis l’erreur de se comporter face à son allié américain comme si celui-ci était son obligé et non son protecteur, qui venait de lui accorder une aide militaire sans précédent de 38 milliards de dollars sur dix ans. On n’a jamais vu un premier ministre israélien agir avec autant de désinvolture, et si peu de sens politique, envers le président des Etats-Unis. Même Ariel Sharon, le « bulldozer », se comportait avec plus de respect envers ce dernier, du temps où George W. Bush était à la Maison Blanche.

Au final, Obama et Nétanyahou s’en sortent sans gloire. Benyamin Nétanyahou a adopté la posture victimaire qu’il affectionne tant, reprochant notamment à cette résolution de faire comme si le mur des Lamentations était un territoire occupé. De fait, la résolution est plus ambiguë. Elle ne réclame pas l’abandon par Israël de ce lieu saint mais demande l’arrêt des créations de colonies de peuplement « dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est ». En attendant, tous ceux qui se battent en Israël pour la paix et la fin de l’occupation se trouvent encouragés, tout en regrettant qu’Obama n’ait pas agi beaucoup plus tôt.

Samy Cohen, directeur de recherche émérite à Sciences Po/CERI. Dernier ouvrage paru : Israël et ses colombes : enquête sur le camp de la paix (Gallimard, 320 p., 25 euros).

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