Salaire minimum européen: l'indispensable conquête du «monde d'après»

L’année 2020 laissera une marque ineffaçable dans l’histoire. La pandémie de Covid-19 a mis la planète à l’arrêt comme elle ne l’avait jamais été jusqu’alors. Partout, les mesures pour endiguer la propagation du virus ont provoqué un ralentissement majeur de l’activité, dont les conséquences pourraient être brutales dans les mois à venir.

Face à cette crise sanitaire, devenue sociale et économique, protéger les citoyennes et les citoyens européens contre la précarité est une priorité. La mise en place d’un salaire minimum européen apparaît comme une nécessité pour des millions de travailleuses et travailleurs dont le salaire ne leur permet pas de vivre dignement.

Ainsi, rien ne nous force à nous résigner au pire. Après avoir révélé les failles de l’Europe libérale, cette crise nous oblige à une prise de conscience urgente et à la réorientation des politiques de l’UE.

Effondrement des certitudes

C’est ainsi que la lumière a été faite sur l’état de délabrement du système public de santé. Manque de moyens, manque de considération pour les soignantes et soignants, manque d’anticipation des risques et incapacité à protéger rapidement le plus grand nombre… A elle seule, la santé est devenue porte-étendard de l’ensemble des services publics.

C’est ainsi également que le manque de masques et l’incapacité de l’Etat à en assurer la production rapide et la distribution gratuite a marqué l’opinion : comment comprendre que la 5e puissance mondiale soit si faible, incapable de se protéger face à la propagation d’un virus ? La question de la souveraineté est alors posée. Celle de la dépendance aux pays longtemps considérés comme «les ateliers du monde», Chine en tête.

Cette question dépasse d’ailleurs nos frontières nationales, toute l’Europe ayant fait face à la même situation. En Italie évidemment, mais aussi en Espagne, en Allemagne, au Portugal… ainsi qu’au Royaume-Uni, fraîchement sorti de l’Union européenne.

C’est donc le système capitaliste tout entier que l’on interroge, du libre-échange au partage des richesses, des investissements publics à la toute-puissance du marché mondialisé… Face à l’effondrement des certitudes et des grandes idées libérales, certains fondamentaux ont retrouvé leur place dans le débat public.

Conquêtes sociales

D’autant que face à la pandémie, la société tout entière s’est reposée sur quelques rares métiers dont l’activité n’a jamais cessé : le personnel soignant évidemment, les auxiliaires de vie sociale, le personnel d’entretien, mais aussi les caissières et les caissiers, enseignantes et enseignants, factrices et facteurs, couturiers et couturières, livreuses et livreurs, éboueuses et éboueurs, manutentionnaires… toutes et tous en première ligne face à la maladie.

Alors que le monde s’est figé pendant de longues semaines, ce sont les professions les moins valorisées par le système libéral qui ont maintenu le pays à flot. Des professions majoritairement exercées par des femmes. Leur statut précaire interroge : comment ces travailleuses et travailleurs, indispensables pendant la crise, peuvent-ils être si mal considérés et mal rémunérés au quotidien ? N’y aurait-il donc pas, dans le monde des «premiers de cordée», une autre place que la misère pour ces acteurs essentiels de notre vie commune ?

C’en est assez. Après la crise sanitaire et face à la crise économique et sociale, la lutte contre la précarité doit être une priorité politique de l’Union européenne. Permettre aux citoyennes et aux citoyens européens de vivre dignement de leur travail est un premier combat indispensable pour éradiquer la précarité dans l’UE. Il devra en appeler d’autres.

Notre délégation travaille donc à une proposition de salaire minimum ambitieux dans l’ensemble des Etats membres. Pour construire «le monde d’après», au sujet duquel de nombreuses choses ont déjà été dites ou écrites, nous pensons qu’il est indispensable de reprendre le combat pour l’émancipation des citoyennes et des citoyens européens… et avec elle, la lutte pour les grandes conquêtes sociales.

Par Manon Aubry, Manuel Bompard, Leïla Chaibi, Younous Omarjee, Anne-Sophie Pelletier et Emmanuel Maurel (délégation France insoumise au Parlement européen).

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