Saoudiens et Français sont unis face au même ennemi

Les événements tragiques de Paris avaient suscité une grande émotion et une profonde tristesse dans la société saoudienne. Les Saoudiens comprennent bien l’ampleur de la catastrophe qu’a vécu la France et partagent la peine et la souffrance du peuple français qui pleure des innocents lâchement tués au nom d’une doctrine aveugle qui n’a rien à voir avec l’Islam. Pour exprimer la solidarité des Saoudiens avec la France et les Français, la tour « Kingdom », monument le plus symbolique de Royaume d’Arabie Saoudite à Riyad, s’illuminait chaque soir aux couleurs du drapeau français. Cette solidarité n’est pas feinte : le royaume a souffert de tragédies similaires à celles de Paris, face au même ennemi après plusieurs attentats terroristes. L’organisation de l’État islamique, de par son idéologie criminelle et destructrice, vise et tue les musulmans (sunnite, chiite, etc.) comme les chrétiens. Nous sommes tous considérés comme infidèles tant que nous ne rejoignons pas la terre d’Al-Kilafah en Syrie et en Irak.

Finalement, le comble pour nous Saoudiens, c’est de constater que d’un côté les Occidentaux nous accusent d’être des suppôts de Daech (acronyme arabe de l’organisation Etat islamique) tandis que Daech nous traite de mécréants. Il faut savoir que trois mosquées, une sunnite et deux chiites, ont été détruites cette année en Arabie Saoudite par des kamikazes de Daech, faisant au total une cinquantaine de morts et des dizaines de blessés. Les Saoudiens vivent la peur chaque jour et plus particulièrement le vendredi midi où se rassemble le plus grand nombre de fidèles : toutes les mosquées, de toutes obédiences bénéficient aujourd’hui de mesures de sécurité renforcées.

Les attentats du 13 novembre ont donné une fois de plus l’occasion aux médias français de mettre en cause l’Arabie Saoudite en l’accusant de soutenir financièrement le terrorisme. Certains journalistes français profitent de l’ambiance qui règne actuellement sur la France pour faire des amalgames et diaboliser, aux yeux de nos amis Français, un pays qui souffre encore des blessures du terrorisme. Comment se fait-il qu’un pays victime du terrorisme et qui mène avec acharnement une lutte sans merci contre ce fléau depuis déjà une quinzaine d’années soit injustement pointé du doigt ? Pourquoi l’Arabie Saoudite soutiendrait-elle un groupe terroriste comme l’État Islamique qui la menace par des attaques partout dans le pays et qui déclare ouvertement que l’Arabie sera la prochaine cible des conquêtes qu’il mène dans la région selon son idéologie expansionniste ? S’ajoute à ces accusations non-fondées, celle de l’armement d’un autre groupe opposant au régime Syrien « Jaish Al-Islam ». D’après un entretien du 21 juin 2013 avec le chef de ce groupe « Zahran Allouch », sur la chaîne Al-Jazeera, il affirme que « 90 % des armes dont ils disposent ont été confisquées à l’armée syrienne et 10 % proviennent du marché noir en Syrie et en Irak. » Sachant d’ailleurs que cette opposition n’est pas classée comme organisation terroriste par beaucoup de pays et d’organisations internationales, entre autres, l’Arabie Saoudite, la France, la Grande-Bretagne, l’Australie, l’Union européenne, l’ONU, etc.

Ce n’est un secret pour personne, l’Arabie Saoudite soutient et finance l’opposition syrienne à savoir « l’armée syrienne libre », unique représentant du peuple syrien et seul interlocuteur internationalement reconnu. Il s’agit de contrer l’un des plus cruels régimes qui aient jamais existé dans l’histoire de l’humanité. Depuis le début de la crise syrienne, l’Arabie Saoudite, avec l’aide de la France, œuvre pour stopper le bain du sang du peuple syrien. Dans le même temps, d’autres pays, au premier rang desquels les Etats-Unis, tergiversaient pour ne pas s’engouffrer dans une nouvelle confrontation au Moyen Orient. Et ce, en dépit de la fameuse « ligne rouge » d’Obama en août 2012 qui a été massivement franchie et à plusieurs reprises lors de l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien.

Cette guerre civile, on le sait, entraîne un déplacement massif de populations vers l’Europe générant les tensions que l’on connaît dans des pays déjà en proie au chômage. Et c’est dans ce contexte qu’émerge un autre chef d’accusation récurrent : l’Arabie saoudite n’accueillerait aucun réfugié syrien. Il faut savoir qu’il existe actuellement, selon le ministère de l’intérieur saoudien, environ 600 000 Syriens sur le sol saoudien (en 2011 ils étaient 250 000). Contrairement aux autres États dans la région, ces Syriens n’ont pas été accueillis en tant que réfugiés pour être logés dans des camps isolés. Ils ont été accueillis comme des résidents étrangers pour qu’ils puissent mener une vie saine et décente et avoir accès au travail, à l’éducation, aux soins médicaux etc. C’est pourquoi, sur le plan international, ils n’ont pas été enregistrés en tant que réfugiés. Le gouvernement saoudien leur a octroyé un permis de séjour « ouvert ». Ils ont même le droit de faire venir l’ensemble des membres de leurs familles sur le principe du « regroupement familial ».

On le sait, Daech a bénéficié de l’instabilité des pays en plein désarroi comme la Syrie et l’Irak pour imposer ses idéologies destructrices. Pourtant l’ultime paradoxe de la dramatique crise syrienne, c’est que Daech fait le jeu de Bachar Al-Assad et mène une guerre à sa place contre l’armée syrienne libre et contre tous les rebelles existant sur le sol syrien. Daech et le régime syrien sont les deux faces d’une même pièce. Ils font, malheureusement, de la Syrie, ce grand et si beau pays, l’épicentre de terrorisme dans le monde. Il est donc urgent d’unifier et déployer tous nos efforts pour éradiquer et extirper ce cancer à sa racine.

Par Ahmad Helaiss est professeur saoudien, Université Roi Saoud-Riyad.

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *