La publication le 26 octobre des résultats des tests de résistance menés par la Banque centrale européenne (BCE) et l’Autorité bancaire européenne (EBA) est la fin d’un long processus, prologue au nouveau rôle de la BCE comme superviseur des plus grandes banques européennes. Mais la route est encore longue pour le secteur bancaire européen toujours convalescent.
Sur les 130 banques concernées par les tests de résistance, 25 échouent à maintenir un ratio de capital pondéré par les risques supérieur à 5,5 % selon le scénario « stressé », et doivent lever au total 24,62 milliards d’euros. Les tests ont été menés sur la base des bilans au 31 décembre 2013, et si l’on prend en compte les ajustements réalisés durant l’année 2014 au travers d’émissions de capitaux, de restructurations d’établissements ou bien de la résolution déjà en cours de Dexia, ce ne sont plus que huit banques qui doivent trouver près de 6 milliards d’euros.
Les annonces faites par ces banques semblent indiquer qu’elles privilégieront une émission de capitaux directement sur les marchés financiers pour combler leurs carences. Mais des alternatives existent. Elles peuvent conserver une partie de leurs profits, comme l’ont fait les banques slovènes par exemple. De même, si une banque enregistre trop de pertes et s’avère incapable de lever de nouveaux capitaux en raison de la perte de confiance des marchés, une fusion avec une autre banque peut être envisagée, à l’instar de la banque Monte Paschi.
Le détail des résultats, rendu disponible par l’EBA, dévoile toutefois un secteur bancaire européen toujours fragile. Au terme de la revue de la qualité des actifs, ce sont plus de 136 milliards d’euros de créances douteuses qui avaient été mal évaluées par les banques et que la BCE a recatégorisé comme prêts à risque. Ce qui porte le total de ces prêts à 880 milliards (4 % des actifs totaux), prêts que les banques auront peu de chance de se faire rembourser en totalité.
Phase de transition
Il faut aussi préciser que les tests de résistance ont été menés avec des exigences en capital bien inférieures à ce que l’application pleine et entière des nouvelles réglementations de Bâle III exigerait. En cause, la phase de transition entre les exigences précédentes de Bâle II et les nouvelles de Bâle III : les nouveaux ratios sont appliqués de manière incrémentale sur plusieurs années.
Or la majorité des banques étant encore au début de cette transition, les exigences des nouveaux ratios ne sont pas encore à leur maximum. Si les exigences de Bâle III étaient appliquées, ce ne sont pas 25 banques qui échoueraient mais bien plus. Les montants restant à lever durant cette phase de transition sont loin d’être négligeables. L’Allemagne, l’Espagne et l’Italie sont concernés avec respectivement 32 milliards, 25 milliards et 16 milliards d’euros que les banques de ces pays devront encore lever pour se conformer à terme aux exigences de Bâle III.
Des débats sont en cours actuellement au sein de la Banque des Règlements Internationaux, qui édicte les réglementations bancaires de Bâle, pour augmenter l’exigence du ratio de levier, actuellement prévue à 3 %, jusqu’à 4 % voire 5 %, ce qu’on déjà fait les Etats-Unis et qui est en discussion avancée au Royaume-Uni. Or le détail des résultats des tests de résistance montre à quel point les banques sont loin de pouvoir satisfaire ce nouvel objectif.
La réaction des marchés financiers au lendemain de l’annonce des résultats va dans le sens de ce bilan contrasté. L’indice bancaire Euro Stoxx 50 a fini la séance du lundi 27 octobre en repli de 2,3 %, contre un recul de 1,04 % pour l’indice général. Les marchés n’ont donc pas totalement adhéré au discours rassurant de la BCE. Les banques ont encore beaucoup de capital à lever et doivent assainir leur bilan
Exercice de transparence
La bonne nouvelle, c’est que la BCE a pu, avec cet exercice, entrer dans ses nouveaux habits de régulateur en étant capable de mettre sous pression des banques parfois récalcitrantes à fournir des données sensibles dans un laps de temps relativement court. Elle a pu mener un premier travail d’uniformisation des méthodes de valorisation des actifs des banques et mettre en place ses équipes qui suivront à l’avenir chaque banque au jour le jour. Autre point positif : la base de données a été mise à disposition du public à l’issue des résultats. Cet exercice de transparence ne peut être que bénéfique pour renforcer la confiance dans la capacité de la BCE à accomplir ses nouvelles fonctions.
Le rôle de superviseur confié à la BCE n’est toutefois qu’un seul des trois piliers de la future Union bancaire, qui comprend aussi le Mécanisme de résolution unique et le Fonds de garantie des dépôts. Or aucun de ces deux derniers piliers n’est encore en place, et le dernier est même actuellement remis en cause. Sans l’Union bancaire, il sera très difficile pour un Etat de faire face à la faillite d’un établissement financier majeur qu’il devra recapitaliser seul, le cercle vicieux entre la dette souveraine et bancaire ne pourra donc pas être brisé et les complaisances entre banques et autorité nationales, qui ont nourri les excès des banques grecques et chypriotes, ne seront pas corrigées.
Ajoutons que même dans sa mouture actuelle, l’Union bancaire apparaît tout de même limitée, avec un Fonds de résolution, pourtant censé intervenir en cas de faillite bancaire, dont la mise en place ne sera pas complète avant 2024 et dont le provisionnement ne dépassera pas 56 milliards d’euros !
Les résultats de ces tests de résistance ne doivent donc pas être pris comme un blanc-seing confirmant la bonne santé du secteur bancaire. Au contraire, ils doivent être pris comme une invitation aux banques européennes à poursuivre leur redressement et leur consolidation.
Guillaume Arnould, chercheur à l’université Paris-I, économiste à la société d’études BSI Economics.