Subventionner les énergies vertes n’est pas la solution

Alors que s’achève la COP21, tous les organes d’information relatent une profusion d’initiatives privées et de politiques publiques destinées à promouvoir la décarbonation de l’économie. Entreprises et consommateurs cherchent à réduire leur empreinte carbone en investissant pour améliorer l’efficacité énergétique de leurs locaux.

Sous la pression de l’opinion publique, les institutions financières se retirent des industries produisant ou utilisant des énergies fossiles. Au cours de la décennie écoulée, de nombreux pays, en particulier les Etats membres de l’Union européenne (UE), ont beaucoup investi dans les sources d’énergie renouvelables, en fixant des tarifs d’obligations d’achat très généreux et en imposant des quotas d’énergie verte dans le mix énergétique. La Chine a installé quelque 23 gigawatts de capacité de production d’origine éolienne en 2014, soit près de la moitié des 53 gigawatts installés dans le monde.

Le nombre croissant de ces initiatives apporte une note d’espoir dans les négociations autour du climat. Au contraire, il y a peu d’espoir de voir les participants à la COP21 trouver un consensus pour instaurer une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre ou pour généraliser un système de permis d’émission négociable sur le modèle existant dans l’UE. Les Etats semblent plus enclins à subventionner certaines technologies qui réduisent les émissions carbonées plutôt qu’à pénaliser les industries émettant ces polluants.

Cette approche a-t-elle des chances de succès ? Un soutien massif aux sources d’énergie faiblement émettrices peut-il nous dispenser de fixer un prix de la tonne de CO2 ? L’analyse économique suggère que non.

Un véritable casse-tête

Dans un article récent, les auteurs de cette tribune étudient l’impact des subventions aux sources d’énergie renouvelables, notamment les tarifs d’achat, sur le bouquet énergétique à installer (« Decarbonizing electricity generation with intermittent sources of energy », TSE Working Paper, n° 15-603, septembre 2015). Les sources de production électrique éolienne et solaire sont intermittentes : l’électricité produite varie selon le moment (jour-nuit) et selon la météo (ciel dégagé-ciel nuageux).

Cette caractéristique, combinée à l’impossibilité de stocker l’électricité à grande échelle, fait de la distribution de cette électricité un véritable casse-tête. Sans stockage, l’électricité doit être produite à l’instant même où elle est consommée, l’offre doit répondre à la demande en temps réel. Le fait que la plupart des consommateurs lisent sur leur facture un prix invariable sur des périodes semestrielles ou annuelles n’arrange pas les choses.

Puisque le prix payé ne reflète pas les variations de la production, même les consommateurs qui pourraient réagir aux fluctuations de l’offre ne le font pas. L’intermittence d’une part grandissante de l’offre, combinée à un prix de détail constant dans le temps, oblige les producteurs d’électricité à sécuriser le système par des sources d’énergie fiables, principalement des centrales thermiques brûlant des combustibles fossiles qui entrent en action quand l’énergie primaire solaire et éolienne fait défaut.

Le soutien aux énergies renouvelables par des tarifs d’achat élevés augmente bien sûr les investissements en capacité éolienne et solaire, provoquant une réduction des coûts de production d’électricité aux heures de fort vent et de bon ensoleillement. Cela se traduit par une baisse des prix de gros, comme on peut le voir notamment en Allemagne, où les prix sont parfois proches de zéro, voire négatifs. Mais l’électricité bon marché n’est pas bonne pour le climat à cause de la nécessité de sécuriser l’approvisionnement : la consommation ne baisse pas, voire augmente, y compris aux moments où les centrales thermiques de remplacement constituent l’essentiel de l’offre.

Confusion entre but et moyens

Tant que le mix énergétique n’est pas totalement décarboné, il faut réduire la consommation d’électricité, ce qui passe par une augmentation de son prix. A l’inverse, les subventions poussent le prix vers le bas et nécessitent une augmentation des taxes pour assurer leur financement. La meilleure façon d’avoir en même temps un prix de l’énergie plus élevé et un bouquet énergétique plus vert est de faire payer pour les émissions de gaz à effet de serre, donc qu’il y ait une taxe ou un prix du CO2.

Réduire les émissions de CO2 sans ralentir la croissance économique est le principal défi de la conférence sur le climat. Les technologies utilisant les facteurs de production non polluants tels que le vent et le rayonnement solaire sont assurément des éléments clés de la solution. Il faut continuer à investir en panneaux photovoltaïques et en éoliennes, mais pas simplement en déversant des subventions. Pour éviter les effets pervers de ces subventions, il faut donner la priorité aux politiques de prix des émissions de gaz à effet de serre. L’objectif unique de la COP21 doit être de réduire les émissions de gaz à effet de serre au moindre coût.

La priorité donnée aux énergies renouvelables traduit une confusion entre but et moyens. La réduction des risques climatiques passe bien sûr par des innovations technologiques, mais il est présomptueux de penser que nous les connaissons déjà. La bonne politique consiste à donner un signal clair de rareté par un prix du CO2 et de laisser aux initiatives individuelles la tâche de trouver comment s’y adapter au moindre coût.

Claude Crampes (Chercheur à l’Ecole d’économie de Toulouse) et Stefan Ambec (Chercheur à l’Ecole d’économie de Toulouse)

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