Syrie : les attaques contre les humanitaires sont des crimes de guerre

L'un des camions d'aide humanitaire touché par une frappe aérienne, mardi à Uram al-Kubra, près d'Alep. Photo Ammar Abdullah. Reuters
L'un des camions d'aide humanitaire touché par une frappe aérienne, mardi à Uram al-Kubra, près d'Alep. Photo Ammar Abdullah. Reuters

«En Syrie, apporter une aide humanitaire est parfois plus dangereux que de porter une arme», explique le représentant d’une association syrienne. Si le 19 septembre, un convoi de l’ONU a été attaqué pour la première fois, les humanitaires sont régulièrement pris pour cibles. Les structures médicales et les écoles sont bombardées, de même que les entrepôts et les lieux de distribution.

Quand le premier convoi d’aide a atteint la ville assiégée de Daraya en juin, de lourds bombardements ont eu lieu durant deux jours, empêchant les civils de se rendre aux points de distribution. «Notre rêve serait que les humanitaires syriens bénéficient d’une protection internationale», déclare l’un de nos partenaires comme s’il parlait d’une utopie et non du respect d’une obligation reconnue de droit international humanitaire.

Urgence

Depuis ce week-end, la situation à Alep est catastrophique et illustre parfaitement les dangers auxquels sont confrontés les humanitaires syriens. «Les bombardements ciblent délibérément les bureaux des associations d’aide, les ambulances et les hôpitaux. Nous n’arrivons même plus à aider les civils», alertent des associations syriennes, partenaires de [l’ONG] Care. Ces attaques sont des crimes de guerre. Il est urgent de permettre un accès immédiat à l’aide humanitaire pour tous les Syriens et d’accorder une protection à tous les travailleurs humanitaires ainsi qu’à leurs bénéficiaires.

L’aide humanitaire est devenu un véritable enjeu de la guerre en Syrie : les parties au conflit restreignent l’accès à l’aide pour les civils et visent délibérément les programmes humanitaires. Depuis 2012, tout acheminement d’une aide humanitaire en dehors de la supervision du gouvernement est interdit. Toute l’aide doit transiter par le Croissant Rouge syrien et les autres agences enregistrées auprès du ministère des Affaires étrangères. De ce fait, toute assistance apportée aux populations civiles vivant dans des zones contrôlées par l’opposition est considérée comme acte de résistance et soutien tacite à l’opposition : des actions assimilées à des activités criminelles. Les humanitaires risquent d’être poursuivis par un tribunal militaire pour «financement d’activités terroristes». Les travailleurs humanitaires qui ont sur eux des papiers relatifs à des programmes d’aide ou de l’argent peuvent être arrêtés. Depuis le début de cette guerre, huit membres de nos associations partenaires ont été arrêtés. Certains ont pu s’échapper ou ont été libérés après quelques mois. Mais d’autres sont toujours détenus ou ont disparu sans laisser de trace.

«Je suis revenu travailler. Que faire d’autre ? Des familles syriennes ont besoin de nous»

Certains groupes armés veulent également surveiller les actions humanitaires et les influencer selon leur agenda politique, notamment via l’accès aux structures de santé et points de distribution. Dans de trop nombreuses zones, notre travail est devenu impossible. Dans les autres, nous faisons face à des défis quotidiens.

Pour toutes ces raisons, les humanitaires doivent se faire discrets. L’aide est acheminée via des tunnels secrets ou des petites routes en terre. Des biens de première nécessité sont transportés à dos d’ânes sur des routes de montagne afin d’atteindre les communautés qui sont coupées de toute assistance de base. Il est important de rappeler que l’action de l’humanitaire repose sur les principes d’impartialité et de neutralité. Nous sommes là pour aider les civils affectés par cinq ans de violence.

Les équipes, avec lesquelles je travaille, risquent leur vie tous les jours : elles traversent les lignes de front, s’aventurent dans les zones de conflit et tentent d’accomplir l’impossible pour acheminer l’aide et fournir les services essentiels dans les endroits les plus isolés. «Je suis revenu travailler aujourd’hui. Que faire d’autre ? Des familles syriennes ont besoin de nous, témoigne un humanitaire le lendemain du bombardement des locaux de son association, ayant causé la mort de dix civils. Nous ne pouvons pas abandonner.»

Sonja Meyer, coordinatrice des programmes en Syrie de l'ONG internationale Care.


Care et ses partenaires locaux ont déjà fourni une aide humanitaire à plus d’1,5 million de personnes : populations en Syrie, réfugiés syriens ou communautés hôtes des pays voisins comme la Jordanie ou le Liban.

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