Terrible para México: Trump, Presidente

Une caricature? Peut-être pas tant que cela si Donald Trump met réellement à exécution sa menace de construire un mur à la frontière mexicaine, comme il l’a promis dans sa campagne électorale. Jose Luis Gonzalez/Reuters
Une caricature? Peut-être pas tant que cela si Donald Trump met réellement à exécution sa menace de construire un mur à la frontière mexicaine, comme il l’a promis dans sa campagne électorale. Jose Luis Gonzalez/Reuters

Le directeur de la banque centrale mexicaine, Agustin Carstens, avait comparé en septembre dernier une victoire de Trump à un ouragan de catégorie 5 frappant le pays. Alors, «sur la chaîne télévisée mexicaine Forotv, rapporte Le Monde, «les visages des commentateurs politiques se sont peu à peu figés», mardi 8 novembre au soir, à l’annonce des swing states qui tombaient tous dans l’escarcelle républicaine. «La douche froide».

«Un futuro sombrío», écrit El Universal dans son éditorial de mercredi: «Le peuple américain a choisi le chemin du racisme, de la haine et de l’intolérance». «L’homme qui nous déteste est président», titre avec cette formule percutante Courrier international son compte rendu d’une réaction de la presse mexicaine à l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche. L’article est escorté de cette photographie, non moins percutante, d’un manifestant contre le candidat républicain, le jour même du scrutin à Paso del Norte, point de passage à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, à Ciudad Juarez:

Pour la presse mexicaine, donc, «ce qui apparaissait hier encore comme une fiction» – mais elle n’est de loin pas la seule à ne pas y avoir cru – «devient le pire des cauchemars»: «L’homme qui honnit le Mexique» est le nouveau patron au Nord. «La más terrible amenaza para el México moderno nos alcanzó», «la plus terrible des menaces nous a rattrapés», selon le site Sin Embargo.

Sans compter les 11 millions de Mexicains en situation illégale aux Etats-Unis que le nouveau maître de Washington D. C. a promis d’expulser du territoire, cette «menace» effarante pour la rédaction, il est sans doute utile de la préciser ici une nouvelle fois: «Nous faire payer le mur qu’il veut construire à la frontière entre nos deux pays». Elle vient de cet «homme qui nous considère comme des violeurs, des assassins, une menace pour son style de vie». Ce fameux mur constitue d’ailleurs déjà «une réalité en plusieurs points de la frontière», montre L’Illustré.

«Sin Embargo» prévient ainsi dans la foulée que «les pires années de notre pays sont à venir». Mais ce n’est guère une surprise après «la désastreuse visite du candidat au président Enrique Peña Nieto» le 31 août dernier. Tous les Mexicains l’ont encore à l’esprit, cette image de leur chef d’Etat «incapable de réagir aux offenses». Le lendemain, Donald Trump tweetait:

Mais si ce n’était «que» cela… Tandis que la bourse et le peso mexicains perdaient mercredi respectivement 2,23% et 7,18%, «la menace plane de faire vaciller toute l’économie d’un pays fortement dépendant du grand voisin du Nord pour ses échanges commerciaux». Donald Trump «s’est toujours prononcé contre l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena)», entré en vigueur en 1994.

Mais l’économiste qui a négocié l’Alena pour le Mexique, Luis de la Calle, estime qu'«il sera difficile pour Donald Trump […] de mettre ses menaces à exécution. Il ne pourra pas faire ce qu’il veut avec le traité. Pour le renégocier, il devra obtenir l’accord du Canada et du Mexique. Et le traité revu devra être accepté par les législatures de chaque pays. Aux Etats-Unis, le commerce international n’est pas une compétence présidentielle, mais celle du Congrès», dit-il à La Presse québécoise.

«Haine institutionnalisée»

«Sin Embargo» parle encore de «haine institutionnalisée», de «colère des Blancs conservateurs face à l’immigration latino-américaine», mais cela n’a pas empêché le président mexicain de féliciter le républicain, qu’il doit rencontrer prochainement, sans doute conscient du fait qu’un langage diplomatique plus approprié – il a prouvé, depuis sa victoire, qu’il en était capable – sera demandé au candidat adoubé par son peuple. Il a d’ailleurs qualifié de «cordiale, amicale et respectueuse» la conversation téléphonique qu’il a eue mercredi avec Trump.

La presse populaire mexicaine, ce mercredi... Yuri Cortez/AFP
La presse populaire mexicaine, ce mercredi... Yuri Cortez/AFP

Une source anonyme proche du gouvernement mexicain a indiqué que les deux hommes n’avaient pas abordé la question du mur. Et juste avant cette discussion entre les deux chefs d’Etat, la ministre des Affaires étrangères, Claudia Ruiz Massieu, a déclaré sur la chaîne Televisa que «payer un mur n’était pas envisagé». Quoi qu’il en soit, selon Jonathan Heath, un expert économique réputé du pays, «le Mexique est le pays qui a le plus à perdre au niveau mondial», puisque en plus de tout le reste, «les devises expédiées au Mexique par les migrants installés aux Etats-Unis constituent un flux crucial pour l’économie»: 17,7 milliards de dollars entre janvier et août 2016!

L’incertitude face à l’avenir

Ironie de l’affaire, «à très court terme, ces envois pourraient s’accroître», les familles pouvant espérer tirer immédiatement avantage de la faiblesse du peso. Surtout dans ce contexte d’incertitude face à l’avenir, que La Jornada de Mexico résume avec ce titre: «Les problèmes migratoires ne se résolvent pas avec des murs». A ce sujet, BFMTV rappelle que «de 2009 à 2014, 870 000 Mexicains ont émigré aux Etats-Unis». Mais dans le même temps «un million ont quitté le pays», tempère le magazine en ligne Slate. Ces derniers avaient peut-être déjà compris ce qui allait arriver.

Olivier Perrin

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