Terrorisme et migration, la dangereuse politique d’Angela Merkel

Réfugiés à Idomeni, à la fontière entre la Grèce et la Macédoine, le 20 avril 2016. © Keystone / Kostas Tsironis
Réfugiés à Idomeni, à la fontière entre la Grèce et la Macédoine, le 20 avril 2016. © Keystone / Kostas Tsironis

Depuis l’été dernier, la crise migratoire a renforcé la peur du terrorisme. Les craintes semblent malheureusement fondées. En effet, selon Interpol, Daech aurait mis la main sur 250 000 passeports vierges syriens et irakiens. Selon Patrick Calvar, chef de la DGSI, 500 terroristes seraient déjà entrés en France grâce à ce sésame. Selon Europol, 3000 à 5000 «djihadistes» se seraient infiltrés en Europe et prépareraient des actions terroristes isolées ou de groupes.

Pouvons-nous considérer que les mouvements migratoires sont la cause de la multiplication des actes terroristes? Puisque les passeports utilisés par les terroristes sont des documents officiels remplis par leur soin, il est difficile de séparer le bon grain de l’ivraie aux frontières de l’UE. Les terroristes auraient certainement utilisé ces passeports même sans flux migratoire. Mais il est clair que cet exode vers l’ouest et le chaos qui règne aux frontières orientales de l’espace Schengen facilitent leur va-et-vient.

Le degré de responsabilité d’Angela Merkel

En été 2015, la «chancelière de fer», connue pour son sens de la Realpolitik, a invité, dans un relent d’humanité, les réfugiés syriens en Allemagne, en contournant les accords de Dublin qui exigent le dépôt de la demande d’asile à la frontière extérieure de Schengen.

Cet émoi, par lequel elle voulait donner l’exemple, s’est soldé par un afflux encore plus important de migrants dont de véritables réfugiés, mais aussi un certain nombre de faux syriens, c’est-à-dire des migrants économiques ou, dans de plus rares cas, des combattants de Daech dont certains ne font que revenir, avec une nouvelle identité, en Europe où ils sont souvent nés.

Pas de consultation des autres pays

Au fond, le problème est que Merkel a pris une décision unilatérale sans consulter ses homologues européens, comme si l’UE n’existait pas et que l’Allemagne était la seule à décider de la politique européenne. La France – pays le plus touché par les attentats – lui en a particulièrement voulu. En ouvrant les portes de l’Allemagne à un million de migrants – réfugiés ou non et dont une partie s’est perdue dans la nature pour éviter l’enregistrement –, elle a mis en danger l’existence même de Schengen.

Les frontières des Etats membres se sont fermées les unes après les autres, car Merkel a oublié que si l’on admet les migrants en Allemagne, via la Hongrie et l’Autriche, c’est dans tout l’espace Schengen qu’on les invite. Cela vaut aussi pour la généreuse Suède, car le Danemark a réintroduit les contrôles à ses frontières communes avec l’Allemagne et la Suède. Merkel n’a pas non plus prévu le choc culturel que ce grand apport de migrants allait créer, et qui a vu son paroxysme avec les agressions de Nouvel An à Cologne et ailleurs.

Angela Merkel fait montre d’un certain cynisme

Mais le mois dernier, elle a été mise devant ses responsabilités et elle est allée négocier à Ankara, à coup de milliards d’euros, la limitation du flux qu’elle a attisé. Effort bien aléatoire car le répit ne sera que temporaire…

Ainsi Merkel révèle un certain cynisme, car après avoir convié les réfugiés, elle les rejette à la mer et vers la Turquie – qui n’est, par ailleurs, pas considérée comme un pays sûr pour les réfugiés par certaines ONG – créant une situation de chaos sur les îles grecques et à Idomeni. Des réfugiés s’immolent, bloquent les voies de chemin de fer et les axes routiers… une tragédie humaine. Où est passée sa grande humanité de l’été dernier? La Realpolitkerin est de retour! Petite consolation, elle a promis de recevoir un syrien pour chaque syrien ramené en Turquie pour éviter qu’ils ne viennent avec des passeurs.

A quoi pouvons-nous nous attendre

La situation n’est guère réjouissante, car il y a une augmentation du risque d’actes terroristes dans toute l’Europe. En Allemagne, on estime à environ 270 les terroristes nouvellement débarqués. Dans ces conditions l’Allemagne ne devrait pas participer à la guerre contre Daech car elle augmenterait l’esprit de vengeance des terroristes potentiels.

Il y a déjà une recrudescence du flux migratoire avec l’arrivée de la belle saison. Les migrants prendront d’autres chemins pour atteindre l’Europe: par la Bulgarie, les innombrables îles grecques – incontrôlables par leur nombre car il y en a trois mille — et par les côtes italiennes en arrivant via la Libye. En outre, Frontex prévoit pour cette année un doublement du nombre des migrants (Soudanais, Erythréens, Maliens et Somaliens) de la Libye vers les côtes européennes, soit 300 000 personnes. Environ 800 000 attendent déjà en Libye. Ce nombre s’ajoute aux 6 millions de Syriens déplacés.

Les victoires sur Daech et la réduction de son territoire peuvent sembler de bonnes nouvelles en soi, mais leurs combattants se replient vers l’Europe à fur et à mesure qu’ils perdent du terrain chez eux. Les préparations d’attentats vont donc se multiplier en Europe et la vigilance doit être accrue pour prévenir les attentats. Pour ajouter à ces mauvaises nouvelles, le Club de Berne (alliance des renseignements européens), craint des attaques simultanées dans plusieurs capitales européennes.

Des solutions, non sans difficultés

De par sa géographie, l’Europe ne peut pas être hermétique, mais le contrôle doit être renforcé et les migrants triés dans des infrastructures acceptables et des conditions humaines. Les réfugiés admis doivent pouvoir retourner au plus vite dans leur patrie car ce n’est pas de cœur joie qu’ils viennent en Europe.

Le maintien de la paix et la reconstruction de la Syrie doivent être la mission première des Occidentaux et de leurs partenaires. Or la solution n’est pas leur installation définitive en Europe mais le rétablissement de conditions de vie normale dans leur pays, car les départs massifs sont une hémorragie humaine pour la Syrie qui, dépeuplé de ses forces vives, ne pourra pas se relever. Les organisations internationales doivent jouer un rôle, aussi, pour que ce processus soit réalisé dans le cadre des droits international et humanitaire.

Zoltan Bécsi, membre du CGSRS (Centre for Geopolitics & Security Studies in Realism) de Londres.

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